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LES PARLEMENS SOUS L’ANCIEN RÉGIME.

l’ordonnance de Charles VI ; mais, par ordre du roi ou plutôt de ceux qui régnaient sous son nom, il fut contraint d’enregistrer, et c’est là le plus ancien exemple d’un enregistrement forcé, contrairement à l’opinion généralement répandue qui en fixe la première date au règne de Louis XI. Deux ans plus tard, le honteux traité de Troyes livrait le royaume et sa capitale aux Anglais. Il y eut alors deux parlemens, l’un à Paris, agissant au nom du duc de Bedford, régent de France pour Henri d’Angleterre, l’autre à Poitiers, institué par le dauphin, depuis Charles VII. Le premier témoigna une docilité servile à Bedford, car l’étranger a toujours trouvé des complices en France, et mit le dauphin Charles hors la loi. Le second, fidèle à la cause nationale, cassa invariablement les arrêts rendus à Paris. Il défendit l’honneur immaculé de Jeanne d’Arc contre ses bourreaux en la déclarant solennellement pucelle, et donna un patriotique concours aux efforts de Charles VII pour la libération du territoire. Ce prince étant entré dans la capitale en 1436, le parlement de Paris s’empressa de le reconnaître, celui de Poitiers y fut réuni, et la bonne entente avec la couronne ne fut point troublée jusqu’à la fin du règne.

Sous Louis XI, en 1461, le parlement, toujours fidèle à ses opinions gallicanes, fit des remontrances contre l’abolition de la pragmatique de Bourges ; il en fit de nouvelles en 1466 contre le traité de Conflans, mais Louis XI n’avait aboli la pragmatique que pour plaire à Pie II, dont il avait besoin pour ses projets sur le royaume de Naples ; il n’avait signé le traité de Conflans que pour mettre fin à la ligue du bien public, avec l’arrière-pensée de revenir aussitôt que faire se pourrait sur des concessions arrachées par la force des événemens. Les remontrances étaient d’accord avec ses vues secrètes ; il pouvait s’en autoriser pour rompre ses engagemens, et, tout en feignant la colère, il se garda bien d’user de rigueur. Sur tout le reste, le parlement laissa faire, soit par terreur, soit qu’il eût adhéré complètement à la politique antiféodale du roi, et ne prit la parole que pour protester contre l’introduction de l’imprimerie en France et contre les règlemens qui s’opposaient à la libre circulation des grains.

Jusque-là, on le voit, son rôle politique avait été des plus modestes ; il parut même l’abdiquer sous Charles VIII, en déclarant, par la bouche de son premier président, « que la guerre, les finances et le gouvernement ne le regardaient pas, » et ce fut seulement sous François Ier qu’il entra résolument dans les voies de l’opposition, ce qui s’explique d’un côté par les progrès de l’administration royale qui tendait à se substituer partout aux pouvoirs locaux et faisait passer sous ses yeux un nombre toujours croissant