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et le chargèrent de transcrire leurs ordonnances sur ses registres non-seulement comme mesure conservatoire, mais aussi pour leur donner une certification officielle et un caractère juridique qui en fortifiaient l’autorité et en rendaient l’exécution plus facile. Ce n’est donc point par usurpation, comme on l’a dii tant de fois, que le parlement a posé en principe que les actes royaux n’étaient valables qu’autant qu’il les avait vérifiés, enregistrés et promulgués. Les rois l’avaient eux-mêmes engagé dans cette voie ; « c’est la coutume de France, disait Louis XI, de publier en parlement tous accords, ou autrement ne seraient de nulle valeur. » François Ier parlait dans le même sens à Charles-Quint : « La vérification est loi fondamentale en France. » Henri IV la reconnaissait pour telle, et, par un louable sentiment d’équité, les membres du parlement « voulaient voir et connaître avant que de commander et de défendre. » Pour justifier leurs titres de conseillers, ils jugeaient de leur devoir de chercher dans les ordonnances ce qu’elles pouvaient renfermer de contraire au bien public, à la majesté du trône, et « de réclamer, comme ils le disaient, au nom de la volonté légale des rois, contre leur volonté arbitraire et momentanée. » Les choses allaient toutes seules lorsque le parlement ne soulevait aucune objection. Les rois le proclamaient alors le plus ferme appui du trône, le gardiateur des lois, le principal retenait de la monarchie, la source et le miroir de toute justice, qui éclairait de sa lumière éblouissante les autres juges et les sujets. Mais, lorsqu’il refusait l’enregistrement, ils l’accusaient d’outrepasser ses pouvoirs, de jeter le trouble dans le royaume, et lui rappelaient l’ordonnance de 1302, qui ne lui avait conféré que des attributions judiciaires. En un mot, ils suivaient à son égard la même tactique qu’à l’égard des états-généraux, récusant ou acceptant sa compétence selon que sa conduite était ou non conforme à leurs vues.

Des conflits continuels résultaient de ces prétentions opposées, et, pour les résoudre à l’amiable, on avait inventé une sorte de procédure qui suivait toujours une marche régulière. Lorsque le parlement dressait des remontrances, il envoyait une députation les présenter au roi. Si le roi les trouvait justes, il modifiait ses édits dans le sens indiqué, et l’enregistrement avait lieu sans retard. S’il refusait d’y faire droit, il expédiait des lettres de jussion, c’est-à-dire des lettres qui ordonnaient d’enregistrer sans aucun changement. Le parlement pouvait, s’il le jugeait convenable, répondre par d’itératives remontrances sur un nouvel ordre, il enregistrait, en faisant suivre la transcription des mots : Homologué du commandement de sa majesté. Quand la résistance se prolongeait, le roi, accompagné des princes du sang, des officiers de la couronne et