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est une religion morte qui ne compte plus aujourd’hui que de rares sectateurs, et que toute croyance, toute habitude de culte sont aujourd’hui perdues au sein des enfans d’Israël. Il serait cependant singulier que le peuple qui a eu autrefois l’honneur de conserver, au milieu des désordres intellectuels de l’humanité, la croyance en un Dieu unique fût à ce point infidèle à lui-même qu’après avoir sous les cieux les plus divers, à travers les persécutions les plus cruelles, maintenu l’unité de sa nationalité par l’unité de sa croyance, il eût tout à coup renoncé à cette croyance qui l’a fait vivre. Aussi n’en est-il rien. S’il y a au sein du judaïsme des libres penseurs et des indifférens, peut-être ne sont-ils pas en plus grand nombre que dans les autres religions, et, comme dans les autres religions, le judaïsme compte un parti orthodoxe qui tient avec ferveur aux anciens usages et un parti libéral qui voudrait modifier ces usages dans ce qu’ils ont de difficile à concilier avec les habitudes de la civilisation moderne. Peu de personnes savent qu’il y a dans les rites du judaïsme une cérémonie qu’on appelle l’initiation, à laquelle sont admis les enfans de douze à treize ans, et qui est la constatation solennelle de l’instruction religieuse que leurs parens sont obligés de leur donner. On ne compte guère de parens Israélites, fussent-ils même parmi ces libres penseurs ou ces indifférens dont je parlais tout à l’heure, qui ne préparent pas leur enfant à l’initiation, et, s’il y a quelque différence avec le passé, ce serait que le nombre des enfans initiés est plus considérable aujourd’hui qu’autrefois, l’usage s’étant généralisé d’admettre à l’initiation les filles que la loi judaïque tend à dispenser facilement de l’accomplissement extérieur des devoirs religieux. Le judaïsme, qui a ses docteurs, ses écrivains, ses organes de publicité, est donc aussi vivace que le peuple juif lui-même, et certes il n’est pas près de mourir ce peuple qui a pris une si complète revanche de la chrétienté en concentrant entre ses mains le seul bien qui fasse aujourd’hui l’objet de l’envie et de l’adoration presque universelles : l’argent.

Enfin la perpétuité du judaïsme se traduit encore par l’exercice actif de la charité que les membres de la communauté Israélite pratiquent les uns vis-à-vis des autres. Je n’ai à parler dans cette étude que des œuvres qui sont instituées pour venir en aide aux enfans ; mais ces œuvres sont très nombreuses, surtout si l’on songe qu’il n’y a guère à Paris plus de quarante mille Israélites, parmi lesquels il y a relativement assez peu de malheureux, bien que l’émigration polonaise et alsacienne en ait, depuis quelques années, augmenté le nombre. L’œuvre des femmes en couches accorde aux mères des secours dont l’enfant profite, que ces secours soient en argent ou en nature. L’œuvre des enfans orphelins ou abandonnés place les enfans privés de soutiens dans des familles honorables, qui s’engagent