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périlleuse. Ces orphelinats communs aux deux sexes sont au nombre de six. Huit orphelinats sont spécialement réservés aux garçons. Quant à ceux destinés aux filles, ils s’élèvent, en comprenant ceux de Paris et ceux de la banlieue, à plus de 80, et sont, à quelques exceptions près, tenus par des congrégations religieuses. Ces orphelinats varient quant à leur importance et à leur installation, suivant le nombre d’enfans qu’ils reçoivent et les ressources souvent assez précaires dont ils disposent. Mais à un certain point de vue on peut dire qu’ils se ressemblent tous par l’uniformité du régime qui y est suivi. Tous présentent les mêmes avantages et les mêmes inconvéniens. Les avantages sont une éducation morale très pure, une éducation primaire suffisante, un enseignement professionnel poussé très loin et qui fait de ces orphelines des ouvrières très habiles, des habitudes de propreté entretenues jusqu’au raffinement. « On ne saurait trop développer chez la femme le goût de la propreté, » me disait la supérieure d’un de ces établissemens, et il est certain que la jeune fille qui aura eu dans son enfance l’habitude de se mirer dans des casseroles bien récurées et dans des tables luisantes fera plus d’efforts pour maintenir dans son petit intérieur une propreté qui, pour son mari et ses enfans, en fera l’attrait.

Quant aux inconvéniens, les voici. Ces jeunes filles restent toutes assez longtemps dans les orphelinats. Le sentiment très naturel chez les sœurs, de les livrer le plus tard possible aux dangers auxquels elles les savent exposées, la nécessité de rémunérer la maison par leur travail des dépenses que leur éducation a occasionnées, font qu’on les conserve souvent jusqu’aux environs de vingt ans. L’existence à la fois claustrale et douce dont ces jeunes filles ont vécu, l’atmosphère pieuse qu’elles ont respirée, sont tellement différentes de la rudesse et de la grossièreté du milieu où elles sont souvent destinées à retomber, que pour un trop grand nombre la transition est trop brusque et qu’elles y succombent. J’interrogeais un jour une sœur de Saint-Vincent-de-Paul, qui s’est dévouée pendant vingt ans dans le même quartier à l’éducation des jeunes filles pauvres, sur les résultats de cette éducation. « Il n’y a pas de milieu, me répondait-elle. Les unes tournent mal, et nous ne les revoyons plus. Les autres restent en relations avec nous et font d’admirables mères de famille. Mais il n’y a pas de demi-vertus. » Ces inconvéniens sont inséparables de l’organisation de ces institutions indispensables, où l’on ne peut cependant pas introduire une grossièreté et une immoralité factices pour les faire ressembler à un atelier de Paris. Mais peut-être pourrait-on s’al tacher davantage à les combattre en abaissant autant que possible progressivement les barrières qui séparent ces jeunes filles du monde où elles sont destinées à rentrer et en les