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L’ENFANCE À PARIS.

tats, grâce au discernement avec lequel les familles sont choisies parmi cette population rurale, sobre, laborieuse, économe, qui forme une des forces vives de la France. L’enfant ainsi élevé dans une famille où il aura pu se faire aimer, dans un village où il aura contracté les relations de son âge, connaîtra moins les tristesses de l’isolement que celui qui, au sortir d’un orphelinat où il aura été élevé avec tout le soin et toute la tendresse possible, se trouvera absolument seul dans la vie. Mais les mesures prises par l’Assistance publique pour venir en aide aux orphelins seraient insuffisantes, si elles ne recevaient de la charité privée un complément indispensable. D’abord l’Assistance publique n’adopte les orphelins que lorsqu’ils n’ont pas dépassé l’âge de douze ans. Or la prétention qu’à douze ans un enfant, garçon ou fille, soit en état de subvenir à ses propres besoins est une pure fiction, et si de nombreux établissemens privés ne s’ouvraient pour recueillir les enfans orphelins durant cette période incertaine qui sépare l’enfance de la jeunesse, ceux-ci se trouveraient en proie, les garçons à la plus affreuse misère, et les filles aux plus grands périls. Ensuite l’Assistance publique ne considère comme véritablement orphelins que ceux qui ont perdu leur père et leur mère. Mais en fait, et surtout lorsque la famille se compose de plusieurs enfans, ce n’est ni le père qui, pour nourrir sa famille, est obligé de passer la journée à l’atelier, ni la mère, dont le modique salaire est à peine suffisant pour elle-même, qui pourraient à eux seuls subvenir à la tâche d’élever et d’entretenir la famille. Ainsi est rendue nécessaire l’existence de ces nombreux orphelinats dont je dirai un mot tout à l’heure. Mais, en dehors de ces cas, je crois que la charité privée s’égare lorsqu’elle prend à son compte des enfans qui, aux termes de la loi, seraient recueillis par l’Assistance publique, et que les perspectives d’existence que l’Assistance offre à ses pupilles élevés à la campagne sont plus heureuses que celles qui attendent l’enfant élevé dans un orphelinat parisien.

Une statistique récente évalue à 68 le nombre des orphelinats situés à Paris même, et à 31 celui des orphelinats situés dans le département de la Seine, qui presque tous reçoivent des enfans de Paris. Si j’éprouvais quelque doute sur l’exactitude de cette statistique, ce serait qu’elle ne fût incomplète, et je ne serais pas étonné que depuis l’époque récente où ce dénombrement a été fait de nouveaux établissemens n’aient été ouverts. Quelques-uns de ces orphelinats reçoivent des filles et des garçons qui sont soigneusement séparés ; je dirai presque trop soigneusement, car il y a quelque chose d’un peu excessif à maintenir une division aussi absolue dans les préaux et dans les réfectoires entre des enfans qui sont destinés à se retrouver un jour à un âge où leur rencontre sera beaucoup plus