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premier rang des assaillans ou plutôt des assaillantes, il faut citer, parce qu’elles sout toujours sur la brèche, les sœurs de Marie-Joseph, cet ordre admirable qui se partage avec les sœurs de la Sagesse toutes les grandes prisons de femmes, et qui rend à l’administration pénitentiaire des services singulièrement appréciés par elle, tant au point de vue de la sécurité morale qu’au point de vue de l’économie. Nous assisterons probablement quelque jour à une campagne en faveur de l’emprisonnement laïque ; mais je défie qu’on mène cette campagne jusqu’au bout, et qu’on trouve jamais moyen, dit-on payer le double, de remplacer par un personnel décent les sœurs de Marie-Joseph. Les sœurs ne se bornent pas à maintenir la tranquillité, la soumission, la décence, dans un monde qui ne fait cependant que leur passer par les mains pendant un temps assez court. Elles reçoivent les confidences qui sont versées dans leur oreille discrète ; elles accordent l’assistance qui leur est demandée, et la supérieure passe une partie de son temps à correspondre avec les supérieures des refuges qui sont situés en province pour négocier l’admission de quelqu’une de ses pensionnaires. Mais parfois l’influence des sœurs s’use, ou bien leur habit inspire la méfiance : « C’est leur métier de prêcher, » disent les récalcitrantes, et leur oreille se ferme. Elle se rouvrira peut-être pour entendre les exhortations de femmes qui ne portent pas l’habit religieux, qui ne demeurent point avec elles dans la prison, mais qui y pénètrent régulièrement pour essayer de leur côté leurs moyens d’influence et de persuasion. La plus ancienne de ces œuvres laïques, par la composition sinon par l’esprit, est celle du Bon-Pasteur dont la fondation originaire remonte à des lettres patentes données par Louis XIV, mais qui a été reconstituée en 1819. Vient ensuite, par ordre de date, l’Œuvre des dames protestantes, dont l’origine remonte à 1839. Enfin il y a depuis 1866 une œuvre de visite israélite. Je parlerai tout à l’heure des refuges qui ont été créés par ces différentes œuvres ; mais je tiens à dire dès à présent, sans faire de distinction entre les différentes professions religieuses, que les personnes qui se consacrent à cette Œuvre de la visite de Saint-Lazare sont des femmes admirables de charité et de dévoûment, dont les unes disputent le temps nécessaire aux exigences d’une vie modeste et déjà bien remplie, dont les autres se dérobent non sans peine aux devoirs d’une haute position sociale, dont les autres ont consacré à la charité le déclin d’une vie dont l’aurore s’était levée pleine de joies et de promesses. Aussi j’avoue éprouver quelque surprise lorsque je lis ces petites brochures où des dames anglaises racontent avec une émotion qui ne me laisse cependant pas insensible les efforts qu’elles ont tentés pour établir dans leurs pays des œuvres analogues à celles qui existent en France depuis tantôt le XIIe siècle.