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L’ENFANCE À PARIS.

m’occuperai aujourd’hui que des aménagemens concernant les femmes détenues administrativement dans la portion de Saint-Lazare qu’on appelle la deuxième section, et des facilités que cette organisation prête à l’exercice de la charité.

J’ai dit tout à l’heure que les jeunes insoumises sur le compte desquelles l’administration faisait prendre des renseignemens en province ou dont elle cherchait à effectuer le placement dans une maison religieuse étaient, en attendant la décision à intervenir, placées à Saint-Lazare en hospitalité. Ces jeunes filles constituent une division spéciale qu’on tient nuit et jour soigneusement à part des autres pensionnaires sous la surveillance incessante d’une sœur de Marie-Joseph. Cette division ayant été organisée par les soins d’un ancien employé de la préfecture de police qui s’appelait Duval, on appelle familièrement dans la prison ces jeunes filles des petites Duval, gratifiant ainsi ce brave employé d’une postérité dont il ne serait peut-être pas très flatté. L’organisation de ce quartier, dont les pensionnaires sont rarement très nombreuses (lors de ma dernière visite à Saint-Lazare elles n’étaient que onze), est aussi bonne que le permettent l’étroitesse et la défectuosité du local. Les jeunes filles travaillent, mangent et couchent en commun. Je ne puis cependant m’empêcher de regretter l’organisation cellulaire du dépôt. Je crois que, durant cette courte période de détention, un peu de solitude serait singulièrement propice aux bonnes réflexions, et rendrait plus facilement acceptables les bons conseils. Aussi je fais des vœux avec l’espoir d’être entendu pour que dans la future prison, dont la construction a été tant de fois annoncée et ajournée, un quartier cellulaire soit réservé aux petites Duval.

Une autre division est réservée aux femmes inscrites qui sont détenues administrativement pour contraventions aux règlemens qui leur sont imposés, et pendant une durée de temps qui varie en moyenne de huit jours à un mois. Je n’ai point, par l’objet même de cette étude, à m’occuper des femmes qui sont définitivement enrégimentées dans la prostitution, et je n’ai point eu par conséquent à parler de cette question des contraventions et de la façon dont elles sont jugées. Je me bornerai à dire que dans cette division les personnes dont rien ne rebute la charité peuvent trouver ce qu’il y a de plus dégradé dans l’échelle des êtres, rôdeuses de barrières, buveuses d’absinthe, pierreuses, tout un monde d’infamie, de corruption, de laideurs physiques et morales au-dessus duquel on s’étonne de voir surnager encore quelques épaves de moralité. Telle de ces femmes aura rapporté au commissaire de police une sacoche oubliée chez elle par un garçon de banque et qui contenait plusieurs centaines de mille francs. Telle autre enverra tous les mois soixante francs à une nourrice à laquelle elle a