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L’ENFANCE À PARIS.

province du royaume de Naples et en particulier de la Basilicate, où vers l’âge de cinq ou six ans ils avaient été vendus par leurs parens, moyennant une somme une fois payée, à des entrepreneurs qui les emmenaient en France, en s’appliquant à leur faire oublier leur lieu de naissance et jusqu’à leur nom. À Paris, ils vivaient ensemble par chambrées, au nombre de vingt ou trente, dans les quartiers les plus misérables de la ville, en particulier dans les environs de la place Maubert. Tous les matins, ils étaient lancés deux par deux dans la ville, et ils devaient rapporter le soir une certaine somme à laquelle ils étaient taxés, sous peine de mauvais traitemens poussés parfois tellement loin que plus d’un parmi ces entrepreneurs a comparu devant la police correctionnelle. Il y avait là une véritable traite des petits blancs à laquelle une loi du parlement italien a mis un terme en interdisant sous des peines assez sévères ces ventes d’enfans. Cette loi, combinée avec une action vigoureuse de la police française, a fait disparaître de nos rues les petits chanteurs italiens, en diminuant du même coup le chiffre des arrestations annuelles dans lequel ceux-ci figuraient pour une quantité considérable, et j’avoue ne pas pousser l’amour de la musique au point de les regretter.

II.

L’instinct, la misère, la complicité des parens, telles sont donc en résumé les trois causes principales du vagabondage et de la mendicité. En ce qui concerne le vagabondage, il y en a cependant une quatrième : ce sont les entraînemens de toute nature qui déterminent les jeunes filles à se livrer à la prostitution clandestine. La prostitution à ses débuts n’est souvent, et en particulier pour les mineures, qu’une des formes et une des conséquences du vagabondage. Je ne puis donc m’abstenir de traiter cette question délicate, en y apportant cependant la réserve que commandent le lieu et le sujet. Il est d’autant plus nécessaire de ne pas s’arrêter devant les répugnances que ce sujet soulève et de montrer comment la surveillance de la police contient et réprime dans la mesure du possible cette forme, la plus triste de toutes du vagabondage, que nous assistons depuis quelques années à une véritable levée de boucliers, non-seulement contre l’organisation, mais contre le principe même de cette surveillance. Il n’est personne dont l’attention n’ait été éveillée par tout le bruit qui s’est fait depuis deux ans à propos de la police des mœurs. La campagne a été entamée au conseil municipal de Paris par les gros bonnets du radicalisme. Une partie de la presse a fait chorus, et l’opinion, troublée par des déclamations qu’on appuie sur des faits faux, semble par momens