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L’ENFANCE À PARIS

LA MENDICITÉ. — LES ASILES. — LES REFUGES.

Beaucoup de légendes ont cours sur l’organisation de la mendicité des enfans à Paris.[1]. On a parlé de bandes d’enfans qui mendieraient pour le compte d’un entrepreneur, d’infirmités qu’on leur apprendrait à simuler, et qu’on entretiendrait même avec soin chez eux pour émouvoir la charité des passans. Il y a, grâce à Dieu, dans tout cela beaucoup d’exagérations, mais pourtant un fond de vérité. Rares sont les cas semblables à celui d’un enfant arrêté l’année dernière et qui avouait avoir appris de sa mère à simuler les attaques de nerfs, c’est-à-dire dans son intention l’épilepsie. Je crois même qu’il faut ranger au nombre des histoires tout à fait imaginaires celle de cette femme qui attachait, dit-on, sur les yeux de son enfant pendant la nuit des coques de noix remplies d’insectes pour amener une inflammation qui excitait le jour la sympathie des passans. Mais une chose cependant est certaine : c’est que, lorsqu’un enfant est atteint de quelque infirmité naturelle, cette infirmité devient trop souvent pour ses parens un gagne-pain. Quelques personnes peuvent se rappeler d’avoir rencontré, il y a trois ou quatre ans, sur les ponts ou aux Champs-Elysées un pauvre enfant aux jambes contrefaites silencieusement adossé à un pilier ou à un tronc d’arbre et qui n’avait pas besoin de s’adresser au public pour émouvoir la compassion. Ses journées devaient être très fructueuses ; qui aurait été assez dénaturé pour lui refuser l’aumône ? Quelques âmes charitables s’avisèrent un jour de lui faire cadeau de vêtemens chauds. Au bout de deux ou trois jours, ces vêtemens n’étaient plus sur son dos. On s’informa alors de l’adresse de ses

  1. Voyez la Revue du 1er octobre et du 1er décembre 1876, du 1er mars 1877 et du 1er juin 1878.