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MYCÈNES ET SES TRÉSORS.


contraire, pas un des objets tirés des tombes royales ne porte la moindre lettre.

L’absence du fer à Mycènes est bien plus concluante encore. Les métaux qu’on y a rencontrés sont l’or, venant probablement des rives du Pactole, l’argent que fournissaient les mines de Grèce, mais dont les Phéniciens étaient peut-être les seuls à connaître la préparation, enfin le cuivre et le bronze, dont l’origine phénicienne est d’autant moins douteuse que l’île de Chypre, le grand centre de l’extraction du cuivre, à qui elle a donné son nom dans toutes les langues modernes, était fréquentée par les Phéniciens dès la plus haute antiquité. Mais il n’existe pas trace de fer dans les tombeaux de Mycènes, tandis que ce métal est connu dans les poèmes homériques. Le fer, dans l’Iliade, est encore un objet de luxe. Sa fabrication était probablement tenue secrète dans certaines familles, ou chez certains peuples ; mais il était dans le commerce, et tendait déjà à remplacer le bronze.

Les tombeaux qui nous occupent sont donc antérieurs à l’époque dite homérique : ils nous révèlent une civilisation plus ancienne née de l’influence orientale s’exerçant sur les Grecs primitifs, les Pélasges comme on les appelait, encore à l’état barbare. C’est aujourd’hui un fait bien connu que cette invasion des Phéniciens dans tout le bassin de la Méditerranée. Et ce n’était point seulement pour leur propre compte que ces hardis navigateurs sillonnaient les mers, c’était aussi pour le compte des Égyptiens, dont ils furent souvent les vassaux, et des autres peuples dénués de marine. Ils tenaient dans l’ancien monde la place qu’ont prise aujourd’hui les Anglais et les Juifs. — L’influence du commerce de l’Orient a laissé à Mycènes les preuves les plus manifestes : on a trouvé des vases de porcelaine égyptienne, des objets d’ivoire sculpté, et certains gobelets particuliers qui avaient été importés par les trirèmes de Tyr ou de Sidon, et achetés peut-être à ce marché gréco-phénicien qui se tenait jadis à Argos au rapport d’Hérodote. Un savant archéologue français, M. Rayet, qui a visité Mycènes pendant les fouilles, nous a fait observer en outre certains objets, de style phénicien, grossièrement travaillés, et probablement contrefaits sur les lieux. — Mais, en somme, ces objets, importés ou contrefaits, sont bien peu nombreux auprès de la masse des produits de l’industrie indigène. C’est surtout en fournissant les métaux que l’Orient a puissamment agi sur la civilisation mycénienne. Il n’est pas possible de rattacher sérieusement à rien de connu le style, — si style il y a, — des trésors de Mycènes. Ce n’est pas que les rapprochemens ne soient faciles ; on peut toujours en faire : certains ornemens m’ont rappelé les bijoux Scandinaves de Stockholm ou de Copenhague ; d’autres