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mens avaient paru sans réplique au savant docteur. Plus tard, en écrivant son livre, il préféra s’en tenir aux motifs tirés de Pausanias. Le géographe grec mentionne cinq tombeaux, et c’est précisément le nombre de ceux qui ont été découverts sous l’agora. Cette coïncidence dans le nombre serait certes un fort argument en faveur de l’identité des squelettes mycéniens. Par malheur le gouvernement grec ne jugea pas à propos de s’arrêter en même temps que M. Schliemann. M. Stamataki, surintendant des antiquités dans le royaume, fut chargé de continuer les fouilles, et tout récemment une sixième tombe a été trouvée dans la même moitié de l’agora où avaient été déblayées les premières et à l’extrémité occidentale. Les objets qu’elle renfermait, et les squelettes, dont un avait un masque d’or, ne permettent pas de douter qu’elle ne date de la même époque que les autres. C’est donc six tombes au moins et non pas cinq qui avaient été creusées sous l’agora de Mycènes. Comment, dès lors, les identifier avec les cinq dont parle Pausanias ? Quand nous prenons le géographe grec en flagrant délit d’erreur, comment croire à l’exactitude des noms qu’il nous rapporte ? — D’ailleurs, même en passant condamnation sur la divergence dans le nombre des tombeaux, il faudrait être assuré que Pausanias les plaçait réellement dans l’acropole et non dans la ville basse : c’est probable, d’après le texte de son récit, mais non pas absolument avéré. Enfin, la première de toutes les conditions pour trouver le tombeau d’Agamemnon, c’est qu’Agamemnon ait existé : n’oublions pas que, si certains savans l’affirment, beaucoup d’autres non moins savans prétendent que le roi des rois a vécu seulement dans l’imagination des poètes. Cela simplifierait singulièrement la question.

Ce sont là de bonnes raisons de douter des assertions de M. Schliemann : il y en a d’autres qui ne permettent même plus de douter. Si nous possédions le tombeau d’Agamemnon, il est clair que nous y reconnaîtrions les caractères de la civilisation homérique. Or les objets de la collection Schliemann révèlent une culture inférieure et par suite antérieure à celle de l’Iliade.

Dans Homère, il est peu question de l’écriture : cependant on en parle une fois et en termes trop précis pour qu’on puisse contester qu’aux temps de la guerre de Troie la connaissance de cet art merveilleux commençât à se répandre dans les pays grecs. En Asie-Mineure, dans la colline qu’il a qualifiée d’Ilion, M. Schliemann lui-même avait déterré des inscriptions gravées sur des vases. Il est vrai que les caractères, dont le sens mystérieux ne s’est dévoilé qu’aux yeux d’un sinologue appliquant en Asie-Mineure les règles de l’écriture chinoise, attendent encore leur Champollion ; mais ce n’en sont pas moins certainement des inscriptions. À Mycènes au