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tradition mentionnée par Pausanias plaçait à Mycènes le tombeau d’Agamemnon et de ses compagnons, massacrés dans un festin par Clytemnestre à leur retour de Troie. Trouver le tombeau d’Agamemnon, quel rêve pour un archéologue ! C’est sur ce dernier point que M. Schliemann concentra tous ses efforts.

Les écrivains anciens ne pouvaient pas lui fournir beaucoup de renseignemens. Plus illustre qu’aucune autre cité grecque dans la haute antiquité, Mycènes est presque oubliée aux âges classiques. Eschyle, toujours fantaisiste comme géographe, la confond avec Argos, où il place les scènes tragiques de l’Orestie. Beaucoup d’autres écrivains font la même confusion, et, quant aux historiens classiques, ils ne citent Mycènes que pour mentionner sa participation à la défense commune de la Grèce pendant les guerres médiques, et sa fin malheureuse en 468 avant notre ère. Argos, qui depuis le retour des Héraclides, c’est-à-dire l’invasion du Péloponèse par les Doriens, avait la suprématie dans les plaines de l’Inachus, Argos avait laissé une certaine autonomie à la ville d’Agamemnon. Mais l’envoi d’hoplites mycéniens à Platée et aux Thermopyles lui porta ombrage et la décida à se débarrasser à tout jamais d’une rivale que ses hautes murailles rendaient toujours redoutable. Les Argiens mirent le siége devant Mycènes, la prirent d’assaut et la saccagèrent. Les habitans furent dispersés dans les villes voisines, et le vainqueur n’épargna que les murailles cyclopéennes de l’acropole qu’il ne put détruire, ou auxquelles peut-être un sentiment de superstition l’empêchait de toucher.

Telle les Argiens laissèrent Mycènes, telle l’a visitée Pausanias au IIe siècle de notre ère, telle ou à peu près la voyons-nous encore aujourd’hui. À quelques pas au-dessus de Kharvati commence le vaste espace couvert de débris qu’elle occupait jadis. Une étude approfondie des lieux a fait reconnaître à M. Schliemann que la ville se composait de trois parties distinctes : l’acropole, ville sainte, entourée de murailles cyclopéennes, qui domine les deux autres, — une seconde ville fortifiée au-dessous de la première, — enfin un vaste faubourg ouvert. Il n’est guère vraisemblable que ces trois quartiers aient été fondés à la fois. Il a dû se produire à Mycènes ce qui s’est produit partout : c’est que, la première enceinte étant trop étroite, une partie de la population s’est fixée en dehors des remparts : plus tard on a cru devoir protéger ce premier faubourg par une enceinte, qui elle-même, à un moment donné, n’a pu contenir ses habitans. Alors s’est formée la ville basse et ouverte que M. Schliemann appelle le faubourg. Cependant l’architecture est partout la même, dans ce qui nous reste du moins. Ce sont partout de lourdes assises cyclopéennes, qui nous montrent que les trois