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dans des cadavres ensevelis depuis plus d’un siècle, la preuve des crimes récens commis par les prêtres catholiques ! Le délégué à la justice, Protot, y était. M. de Benque, secrétaire du conseil-général, y fut arrêté, retenu pendant quelques heures dans la sacristie et enfin relâché. On fit main-basse sur quelques vicaires que l’on envoya à Mazas. Par bonheur un plombier-gazier, membre du comité central, Lavalette, qui dès le début de l’insurrection avait vivement insisté afin que le général Chanzy fût rendu à la liberté et qui était un homme bon, se trouvait là. Il cacha dans sa voiture un médecin, un prêtre, le maître de chapelle de l’église, qu’on voulait arrêter, et parvint ainsi à les sauver. Le péril semblait se rapprocher de la Banque, sur laquelle le comité de salut public avait directement tiré un mandat de 10,000 francs, qu’elle refusa de payer malgré les menaces de l’officier d’état-major qui en était porteur. Le 19 mai, on vit bien rue de La Vrillière que « le bon temps » était passé et qu’aux violences de langage les voies de fait allaient peut-être succéder. Durand, le caissier central de la délégation des finances, apporta lui-même à Charles Beslay une lettre que celui-ci communiqua immédiatement à M. de Plœuc. Voici cette lettre, qui faisait pressentir bien des malheurs prochains : « Paris 19 mai 1871. Cher et honoré citoyen Beslay, mon caissier Durand vous expliquera quelle importance j’attache à une ouverture d’un million de plus pour demain. Coûte que coûte, il faut que demain avant midi j’obtienne au moins 500,000 francs. Nous réglerons avec la Banque la différence que cela produira. Si je succombais une heure, vous savez ce qui en résulterait. Dévoué à notre grande cause socialiste et communale, je puis, en étant soutenu, éviter des écarts et des violences que notre situation explique et que je ne reproche pas à nos collègues. Mais au nom du salut de la révolution, il faut que je sois absolument secondé. Je sais combien vous m’honorez de votre précieuse estime ; aidez-moi, je vous prie, à la mériter. Respectueux et fraternel salut. Jourde. »

.lourde ne mentait pas et n’exagérait rien. Lui et Beslay appartenaient à la minorité de la commune ; on commençait à les trouver « intempestifs, » ainsi que disait Robespierre en parlant d’Anacharsis Cloots, et l’on voulait s’en débarrasser. Le parti violent, le parti nombreux de cet inconcevable gouvernement était alors représenté dans la presse quotidienne par le Père Duchêne, que rédigeait un exécrable polisson nommé Vermesch ; M. Louis Veuillot l’appelle Verminesch. — Comme un « voyou » qu’il était, il se plaisait à exciter les uns contre les autres les loups-cerviers de l’Hôtel de Ville : tous ceux qui ne voyaient pas rouge, il les prenait à partie : « Tu pouvais, toi, Clément, rester teinturier ; loi, Pindy, rester menuisier ; toi, Amouroux, rester chapelier ; toi, Arnould, rester imbécile. »