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LA BANQUE DE FRANCE SOUS LA COMMUNE.

à la commune et à la république. » Ensuite la destruction de la maison de M. Thiers, prescrite par arrêté du 10 mai, immédiatement mis à exécution ; Charles Beslay proteste : « Entre la saisie et l’expropriation, avant jugement, et la démolition d’un immeuble, il y a pour moi un abîme. Ne démolissons pas les maisons, c’est un capital que nous anéantissons, et nous en avons besoin pour nous libérer des lourdes charges qui pèsent sur nous[1]. » La démission de Charles Beslay eût été fatale à la Banque ; heureusement elle ne fut point acceptée par le comité de salut public, qui protesta que l’investissement de la Banque avait eu lieu à son insu, par suite d’ordres sans doute mal compris ou mal expliqués, expédiés par la sûreté générale. Quoique le comité de salut public fût alors composé de Delescluze, de Gambon, d’Ant. Arnaud, d’Eudes et de Ranvier, quoique ces deux derniers fussent capables de toute mauvaise action, la protestation était sincère ; le comité de salut public avait ignoré la tentative dirigée contre la Banque. Beslay fut vivement pressé de conserver son poste de délégué à l’hôtel de La Vrillière ; mais il eût peut-être maintenu sa démission, que justifiait le mauvais état de sa santé, si le marquis de Plœuc, se rendant près de lui et insistant avec ardeur, ne lui eût fait comprendre que le crédit public, profondément troublé, attendait le salut de son dévoûment et de sa probité. C’était prendre Beslay par son faible ; il tendit la main à M. de Plœuc : « Je resterai et vous verrez, malgré vos craintes, que nous réussirons à sauver la Banque. » Il y avait un peu d’orgueil dans cette réponse ; mais il y avait surtout une volonté de bien faire que jamais l’on n’invoquait en vain. Sous ce rapport, le père Beslay fut vraiment irréprochable. Un fait démontrera tout ce qu’il y avait de candeur dans cet homme que ses idées, absolument faussées, avaient jeté dans un milieu qui l’eût épouvanté s’il avait pu en reconnaître l’inconcevable corruption. Le 12 mai, lorsqu’il venait d’expédier sa démission au comité de salut

  1. « Le comité de salut public, vu l’affiche du sieur Thiers se disant chef du pouvoir de la république française ; considérant que cette affiche, imprimée à Versailles, a été apposée sur les murs de Paris par les ordres dudit sieur Thiers ; que dans ce document, il déclare que son armée ne bombarde pas Paris, tandis que chaque jour des femmes et des enfans sont victimes des projectiles fratricides de Versailles : qu’il y est fait un appel à la trahison pour pénétrer dans la place, sentant l’impossibilité absolue de vaincre par les armes l’héroïque population de Paris, arrête : 1o  Les biens meubles des propriétés de Thiers seront saisis par les soins de l’administration des domaines ; 2o  la maison de Thiers, située place Saint-Georges, sera rasée ; 3o  les citoyens Fontaine, délégué aux domaines, et J. Andrieu, délégué aux services publics, sont charges, chacun en ce qui les concerne, de l’exécution immédiate du présent arrêté. Les membres du comité de salut public : Ant. Arnaud, Eudes, F. Gambon, G. Ranvier, Paris, le 21 floréal an 79 — 12 mai 1871 : Le citoyen Fontaine, directeur des domaines, met à la disposition des ambulances tout le linge trouvé au domicile de M. Thiers, Le linge du bombardeur doit servir à panser les blessures de ses victimes. »