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en ce lieu-là d’assiéger Bar-en-Lorraine et donna l’ordre d’arrêter M. le cardinal de Retz[1]. » Plus loin M. Valfrey commet une double erreur en affirmant que « Retz, n’ayant jamais prêté le serment de fidélité au roi et ayant donné sa démission d’archevêque de Paris, était déchu de sa juridiction. » Retz avait prêté serment de fidélité au roi par des placards, signés de sa main, qui furent affichés sur tous les murs de Paris. En outre la démission qu’il avait donnée étant prisonnier n’avait aucune validité; c’est pour la nullité dont cet acte était entaché que le pape Innocent X n’avait jamais voulu la recevoir. M. Valfrey a eu le tort de composer son récit d’après les seuls documens qui se trouvent aux archives des affaires étrangères; n’ayant consulté ni les lettres pastorales de Retz, ni les autres écrits que celui-ci a rédigés et publiés durant cette période, ni les nombreuses correspondances qui se trouvent dans d’autres dépôts, il n’a vu qu’un seul côté de la question. S’il l’avait étudiée sous toutes ses faces, ses jugemens seraient plus équitables et son récit plus complet et plus clair. Le vrai est que l’arrestation du cardinal de Retz fut un acte des moins justifiables. Des crimes, vrais ou imaginaires, dont on l’accusait[2], les uns, commis avant sa promotion au cardinalat, avaient été abolis par le fait même d’avoir reçu le chapeau des mains de la régente, les autres, postérieurs à sa promotion, avaient été effacés par l’amnistie, de laquelle on ne l’avait pas excepté. Ce qui est vrai surtout (et M. Valfrey l’aurait dit sans doute, s’il n’avait pas négligé de nous apprendre comment se termina ce débat), c’est que la lutte, et une lutte inexorable, existait non entre le roi et Retz, mais entre Mazarin et le vaincu de la Fronde. Jusqu’à son lit de mort, Mazarin poursuivit de sa haine son irréconciliable ennemi, et, quelques mois après cette mort, Retz adressa à Louis XIV, avec sa démission d’archevêque de Paris, un acte de soumission complète.

Lionne ne réussit dans aucune de ses deux négociations en Italie, pas plus dans celle qui tendait à réconcilier le duc de Parme avec le pape, que dans celle qui avait pour objet de déterminer le saint-siège à prendre parti pour Louis XIV contre Retz. Durant ces deux missions. Lionne fut flatté, caressé, joué par les uns, rudement malmené par les autres, mais en définitive il échoua comme tous ceux qui, sous Louis XIV et en d’autres temps, ont voulu négocier avec Rome et s’efforcer de vaincre l’invincible obstination de la cour

  1. Mémoires du duc de Navailles, p, 98, 1861. Édition Moreau.
  2. M. Valfrey parle (p. 180 de son livre) des « chefs d’accusation à la charge de Retz. » et il ne nous les fait pas connaître. Il lui aurait suffi pourtant de consulter les documens qui ont été publiés dès 1836 par Michaud et Poujoulat à la suite des Mémoires du cardinal de Retz..