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grandes cités de l’Asie : c’était Tralles, dont les ruines couvrent encore tout le plateau. M. Rayet nous les fait parcourir, essayant de retrouver dans ces amas de décombres les monumens dont les anciens nous ont conservé le nom. Puis, en s’aidant des médailles et des inscriptions, il nous raconte l’histoire de la ville. Il est difficile d’imaginer une destinée plus accidentée. Placée sur le chemin de tous les conquérans de l’Asie, Tralles changea souvent de maîtres et subit avec chaque maître différent des fortunes très diverses. Heureuse et prospère tant qu’elle fut gouvernée par les satrapes du roi des rois, elle tombe dans les mains des successeurs d’Alexandre qui s’en disputent la possession. Sous les Romains de la république, elle est, selon l’usage, rudement pillée par les publicains et les proconsuls. Sa prospérité recommence avec l’empire ; nous trouvons sans doute qu’elle flatte un peu trop les césars, même les plus mauvais, et leur élève trop de temples, mais au moins sous leur domination elle est tranquille et se livre en paix à son commerce qui l’enrichit. Elle produit alors des artistes renommés, des rhéteurs, des savans, et même deux médecins, dont l’un appartenait à la secte des « donneurs de vin, » qui n’avaient pas d’autre remède pour les maladies les plus graves, et l’autre, qui fut un moment célèbre, se flattait d’avoir dépassé tous ses prédécesseurs, et se donnait à lui-même, sur le tombeau qu’il s’était fait construire le long de la voie Appienne, le titre superbe de « vainqueur des médecins. » Enfin il sortit de Tralles, à la même époque, une dynastie royale qui régna, non sans gloire, sur le Pont et sur l’Arménie, et dont M. Rayet a recomposé entièrement l’histoire.

Le texte de M. Rayet est accompagné de planches importantes qui contiennent des cartes de géographie, des reproductions de sculptures et des plans d’édifices antiques. On promet de nous donner, dans les livraisons suivantes, l’agora d’Héraclée, le seul exemple connu d’une place publique grecque, et la belle restauration du temple d’Apollon de Didymes qui a valu à M. Thomas la première médaille à l’exposition de 1876. Tout nous fait donc espérer que l’ouvrage de M. Rayet obtiendra le même succès que ceux de MM. Perrot et Heuzey et qu’il fera honneur à la science française.

G. B.

Le directeur-gérant, C. Buloz.