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France certes, dans sa longue et laborieuse histoire, offre une riche variété de mesures d’exception, toutes à peu près inefficaces, et le socialisme n’a peut-être cessé d’être un vrai et sérieux péril dans notre pays que depuis qu’il a pu se produire au grand jour, depuis qu’il a subi l’épreuve de la discussion. Le déclin des écoles socialistes a sans doute bien d’autres causes frappantes : le progrès des lois civiles, l’égalité des droits, la diffusion de la propriété, le développement des intérêts, les efforts constans pour élever la condition des classes populaires, l’esprit de travail et d’épargne fructueuse, tout cela a contribué à former un état social inexpugnable et a fini par créer une réalité devant laquelle les vaines théories des réformateurs hallucinés sont impuissantes. C’est la société de 1789 qui, en grandissant, en mûrissant pour ainsi dire, est devenue assez forte pour défier les utopies, pour résister aux assauts des criminels et des fous. Tous les foyers incendiaires ne sont pas éteints sans doute; le mal révolutionnaire subsiste, il est déplacé ou déguisé, il n’affecte plus la forme socialiste, et, chose curieuse, la France, après avoir eu ses grandes épidémies de sectes il y a trente et quarante ans, la France est peut-être aujourd’hui le pays où le socialisme est le plus tombé en discrédit. Il y a parmi nous tout ce qu’on voudra, des maniaques d’agitation, il n’y a plus à vraiment parler de parti socialiste, la maladie est passée à d’autres pays, même à des pays monarchiques; elle s’appelle le nihilisme en Russie, elle a toute sorte de noms au-delà du Rhin. Plus d’une fois encore vraisemblablement elle embarrassera M. de Bismarck. Ce que l’Allemagne a de mieux à faire, c’est de combattre cette maladie par l’action morale et intellectuelle, sans recourir à des mesures d’exception qui n’ont été le plus souvent, pour ceux qui les ont employées, que de vains palliatifs, et n’ont jamais empêché un fanatique de méditer obscurément un attentat.

La liberté franchement et régulièrement pratiquée est le meilleur de tous les remèdes. Elle a servi à préserver l’Italie de l’invasion socialiste; elle l’a guérie dans tous les cas des conspirations secrètes, du meurtre politique, et de nos jours on a vu un prince menant la vie la plus active au milieu des luttes les plus ardentes, toujours mêlé à l’armée et au peuple, régnant près de trente ans sans être même effleuré par la balle d’un assassin. C’est le souverain qui s’éteignait il y a quelques mois à Rome, qui, à peine disparu, a eu ses historiens empressés; c’est le roi dont M. Giuseppe Massari entreprend aujourd’hui de retracer la brillante, la populaire et laborieuse carrière dans un livre dont le premier volume paraît à Milan : la Vie et le règne de Victor-Emmanuel Il de Savoie, premier roi d’Italie. Nul n’était mieux fait que M. Giuseppe Massari pour cette œuvre de patriotisme. Il a vécu à Turin depuis le commencement du règne, il a été mêlé à toutes les péripéties de la politique italienne qu’il a servie de son activité et de son esprit,