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UNE RÉCEPTION
A
L’ACADÉMIE FRANÇAISE

La réception de M. Sardou ne pouvait manquer d’attirer dans la rotonde du palais Mazarin tout le Paris des premières représentations de l’Académie. La séance promettait d’être intéressante ; elle l’aurait été davantage encore, si l’éminent homme d’état dont la verte vieillesse rend à son pays de précieux services n’avait dû se décharger sur un de ses confrères du soin de souhaiter la bienvenue au nouvel immortel. M, Charles Blanc s’est acquitté de sa tâche avec autant de bonne grâce que de dextérité et à la satisfaction générale ; mais il sentait lui-même que la fête n’était pas complète, qu’elle avait perdu l’un de ses principaux attraits. — « L’honneur de vous recevoir ne m’était pas échu, a-t-il dit au récipiendaire ; il ne fallait pas moins que les occupations d’un premier ministre pour vous enlever le privilège d’être complimenté au seuil de l’Académie française par un orateur dont la parole eût donné tant d’importance à cette cérémonie et tant d’éclat. Tout ce que vous y perciez, je n’ai pas besoin de vous le dire, et je le sens mieux que personne. » Non-seulement la parole éloquente de M. le président du conseil aurait donné à la cérémonie de l’importance et de l’éclat ; mais qui n’eût été curieux de savoir ce qu’un juge si grave pensait des Pattes de mouche et des Femmes fortes, quelle place il accordait dans son estime littéraire à l’ingénieux auteur de tant de comédies vives et spirituelles, amusantes ou passionnées ? M. Dufaure est la conscience même ; il n’y a pas pour lui de petits devoirs, et ce n’est pas seulement dans les affaires d’état qu’il pousse l’exactitude jusqu’au scrupule. Nous doutons fort qu’il ait jamais vu représenter les Pattes de mouche ; il n’eût pas laissé d’en parler en connaissance de cause, —