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avec le concours du conseil-général, qui en décide la construction et l’entretien. Toute la voirie vicinale est confiée à un corps d’agens voyers départementaux. Les travaux restent imputables sur les budgets des communes, sauf ce que le département, par l’organe de l’assemblée qui le représente, en veut bien prendre à sa charge ; mais ils sont dirigés ou tout au moins surveillés par le préfet et par ses agens voyers. La plus importante des ressources dont ceux-ci disposent est la prestation en nature. À vrai dire, c’est sous un nom nouveau la corvée de l’ancien temps, mais avec des tempéramens qui lui enlèvent le caractère odieux qu’elle avait avant la révolution. D’abord elle est réduite à trois journées par an ; elle est rachetable au gré du prestataire, enfin elle pèse de façon uniforme sur tous les citoyens valides ; il n’y a plus de privilège qui en exempte.

Cette loi, qui doit être comptée comme l’une des plus fécondes de la monarchie de juillet, conservait aux chemins vicinaux ordinaires le caractère communal. Toutefois, comme les ressources varient beaucoup d’une commune à l’autre et que toutes les parties du territoire sont solidaires, il devint bientôt manifeste que le département et l’état devaient venir en aide aux plus nécessiteuses. À partir de 1861, le gouvernement distribua chaque année quelques millions pour aider à la construction des chemins d’intérêt commun. En 1867, en vue de compléter à bref délai tout le réseau vicinal, un vaste programme fut dressé, d’après lequel le trésor public aurait donné en dix ans cent millions, et prêté, à un taux d’amortissement très réduit, deux cents millions pour l’achèvement des voies les plus importantes. De si grosses sommes n’étaient qu’un appoint dans la dépense. Les dix ans sont écoulés ; la caisse des chemins vicinaux a soulagé sans contredit les communes trop obérées ; mais il est certain qu’il reste encore beaucoup à faire.

Notons en passant que la loi de 1836 fut une atteinte à l’espèce de monopole tacite en vertu duquel le corps des ponts et chaussées avait exécuté jusqu’alors tous les travaux de route dans notre pays. À peu d’exceptions près, ce ne fut pas aux ingénieurs de l’état que les préfets remirent les fonctions d’agent voyer. Peut-être dans ces modestes entreprises de voirie vicinale, où la question technique s’efface souvent devant la question d’économie, où l’intérêt d’avenir cède le pas à de petites préoccupations d’intérêt local, crut-on imprudent de faire intervenir des hommes que leur savoir eût rendus trop rigides ou leur position sociale trop indépendans. Il n’est pas contesté qu’il y eût, pendant les premières années, un fâcheux gaspillage des ressources que la prestation en nature mettait à la disposition des préfets. « En cinquante-six départemens, disait M. Duchâtel, ministre de l’intérieur, dans un rapport sur les opérations de l’année 1839, les ressources affectées à ces voies de communication,