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L’ENFANCE À PARIS

LES VAGABONDS ET LES MENDIANS

Si les lecteurs de la Revue n’ont pas complètement perdu le souvenir des études que j’ai consacrées à la condition de l’enfance à Paris<ref> Voyez la Revue du 1er  octobre, du 1er  décembre 1876 et du 1er  mars 1877. </<ref>, ils peuvent se rappeler que je me suis proposé de décrire toutes les misères auxquelles les enfans sont exposés dans notre brillante capitale et de rechercher en même temps quels remèdes sont déjà ou pourraient être apportés à ces misères. J’ai parlé successivement de ce que j’appellerai les misères accidentelles de l’enfance, l’abandon, les maladies, les infirmités, et je crains d’avoir déjà fait passer sous les yeux de mes lecteurs plus d’un douloureux tableau. Je ne sais cependant si ceux qui me restent à décrire ne sont pas plus douloureux encore. J’entreprends aujourd’hui en effet l’étude de ces misères qu’on pourrait appeler les misères morales, dont l’enfant est à la fois le complice et la victime, mais dont la responsabilité première remonte souvent plus haut que lui. Si le spectacle de la souffrance imméritée émeut péniblement, il y a quelque chose de plus poignant encore dans celui de la corruption précoce et parfois inévitable, car ce spectacle trouble davantage la conscience et rend plus épais le mystère de ces lois obscures qui font parmi les hommes une répartition si inégale, non-seulement des souffrances, mais des tentations. Redoutable problème dont on ne peut se distraire que par l’espoir en quelque autre mystère de réparation indulgente qui nous échappe, et par la recherche des remèdes que la charité oppose à ces souffrances et à ces tentations. C’est donc aux diverses formes de la criminalité chez l’enfance que j’ai l’intention de consacrer une nouvelle série d’études dont la première aura pour objet la mendicité et le vagabondage.