Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 27.djvu/566

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
560
REVUE DES DEUX MONDES.

plus nécessaire que le gouvernement de la commune venait de se modifier et avait installé un comité de salut public. À ce sujet, la Banque, sans même le soupçonner, avait couru un danger réel, car Jourde avait voulu donner sa démission.

À l’Hôtel de Ville, dans la séance du 28 avril, un vieil apothicaire qui n’était point méchant, mais qui rêvait de se modeler sur « les géans de 93, » le citoyen Miot, représentant du XIXe arrondissement à la commune, proposa la motion suivante : « Vu la gravité des circonstances et la nécessité de prendre promptement les mesures les plus radicales et les plus énergiques, la commune décrète : 1o un comité de salut public sera immédiatement organisé ; 2o il sera composé de cinq membres nommés par la commune au scrutin individuel ; 3o les pouvoirs les plus étendus sur toutes les commissions sont donnés à ce comité, « qui ne sera responsable qu’à la commune. » — Le 1er mai, à l’heure même où le conseil de la Banque recevait les promesses rassurantes du ministre des finances, la commune votait sur l’ensemble du projet et l’adoptait à une majorité de 45 voix contre 23. Ant. Arnaud, Léo Meillet, Gabriel Ranvier, Félix Pyat, Charles Gérardin, étaient nommés membres du comité de salut public. Il y eut des protestations ; au bas des plus raisonnables[1] je trouve les signatures de Jourde, de Beslay, de Varlin, de Vermorel, de Jules Vallès. Dans la séance du 2 mai, François Jourde fit mieux que de protester, il rendit ses comptes et donna sa démission de délégué aux finances. « Je ne puis rien faire, dit-il, je ne puis rien entreprendre, car incontestablement, après votre décret d’hier, le délégué aux finances n’est que le commis du comité de salut public. » — Comme le citoyen Billioray affirmait que le crédit allait renaître et rappelait avec quelque perfidie qu’après le 18 mars la Banque avait donné un million, Jourde répondit : « La Banque de France n’est pas tenue de faire ce qu’elle a fait le 19 mars ; il est du plus grand intérêt pour la commune de ménager et d’aider même cette institution. »

  1. Tout le parti « économiste » protesta : « Les soussignés, considérant qu’ils ont voté contre l’institution dite comité de salut public, dans lequel ils n’ont vu que l’oubli des principes de réformes sociales et sérieuses d’où est sortie la révolution communale du 18 mars, le retour dangereux ou inutile, violent ou inoffensif, d’un passé qui doit nous instruire sans que nous ayons à le plagier, déclarent qu’ils ne présenteront pas de candidats et qu’ils regardent, en ce qui les concerne, l’abstention comme la seule attitude digne, logique et politique. Signé : Ch. Longuet, Lefrançais, Arthur Arnould, Andrieu, Ostyn, Jourde, Mulon, Serraillier, Beslay, Babick, Clémence, Courbet, Gérardin, Langevin, Rastoul, J. Vallès, Varlin. — Vu que nous ne pouvons nommer personne à une institution considérée par nous comme aussi inutile que fatale, nous nous abstenons. Signé ; Avrial, V. Clément, Vermorel, A. Theiss, G. Tridon, Pindy, E. Gérardin. » (Réimpression du Journal officiel de la république française sous la commune, p. 461.)