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LA BANQUE DE FRANCE SOUS LA COMMUNE.

réelle des billets de banque, si des réquisitions nouvelles tentaient de dépasser la limite du chiffre indiqué. Un autre membre déclare que la Banque doit mettre sa responsabilité à couvert et qu’une fois le solde de la ville épuisé, elle ne peut sous aucun prétexte remettre des fonds aux délégués de la commune, à moins d’y être autorisée par le ministre des finances. M. de Lisa, inspecteur, sera donc envoyé à Versailles porteur d’une lettre pour le gouverneur, M. Rouland, qui sera instruit de la décision prise par le conseil de se refuser résolument à subir toute réquisition et qui en conférera avec le ministre. Cette motion fut adoptée ; le marquis de Plœuc écrivit la lettre, et dans la journée du 26 M. de Lisa la porta à Versailles, à l’aide d’un de ses nombreux laisser-passer ; il n’en manquait pas, car il savait où on les vendait.

La lettre du marquis de Plœuc était adressée à M. Rouland ; après avoir expliqué très nettement l’état des choses, elle se terminait ainsi : « Nonobstant le grave danger qu’il y aurait à pouéser la commune à agir par la force et à mettre la main sur la Banque, le conseil refuserait tout nouveau subside, si M. le ministre des finances ne lui envoyait l’autorisation écrite d’agir autrement. Je crois, monsieur le gouverneur, qu’il est de la plus haute importance que M. le ministre des finances ne refuse pas cette autorisation au conseil. Jusqu’ici, grâce à beaucoup de prudence, la Banque a échappé aux désastres qui la menaçaient, il serait fâcheux qu’elle échouât au port. Il faut qu’elle puisse aller jusqu’au bout dans l’intérêt du crédit public en France. » Il y eut quelques pourparlers à Versailles entre M. Rouland et M. Pouyer-Quertier, ministre des finances, et M. de Lisa ne put rentrer à Paris que le 27 : avril. Il rapportait la réponse impatiemment attendue, et le conseil des régens se réunit le vendredi 28, à une heure, pour en recevoir communication. Il était impossible de se méprendre sur la lettre du marquis de Plœuc, elle rendait compte de la situation avec une clarté irréprochable et demandait, en termes fort précis, que le gouvernement acceptât pour son propre compte les sacrifices qui allaient être certainement imposés à la Banque ; aussi la déconvenue, pour ne pas dire l’irritation, du conseil fut excessive, lorsqu’il entendit la lecture suivante, qui dans les circonstances actuelles ressemblait à une mauvaise plaisanterie : « Mon cher gouverneur, je suis de plus en plus préoccupé de la situation de la Banque au milieu des épouvantables événemens de Paris ; je ne saurais donc trop vous recommander toutes les mesures possibles de prudence pour mettre en sûreté et préserver les grands intérêts qui sont confiés à ce grand et utile établissement. Je sais que votre rôle est difficile, mais je suis convaincu que nous n’aurons qu’à approuver tout ce qui aura été fait sous votre inspiration pour sauvegarder