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contrôle parlementaire qui devrait rester entier, qui serait d’autant plus efficace qu’il resterait dans sa sphère, dans son domaine. On agite tout et on ébranle tout sans profit possible.

Ce n’est jamais le moment de poursuivre ces œuvres de dissolution ; l’heure dans tous les cas serait moins favorable que jamais aujourd’hui, lorsque toutes les conditions de l’équilibre public sont en jeu, lorsque l’Europe en est à se demander si elle restera en paix ou si elle se réveillera dans les conflagrations de la guerre. Tout dépend de la mission que l’ambassadeur du tsar à Londres, le comte Schouvalof, remplit en ce moment à Saint-Pétersbourg. Que résultera-t-il de cette dernière tentative ? Voilà la question qui se pose pour tout le monde, pour la France comme pour les autres états. Sans doute la France est neutre, et M. le ministre des affaires étrangères a été appelé l’autre jour par une interpellation à définir avec netteté le caractère de cette neutralité, les intentions pacifiques de notre gouvernement, comme aussi les principes de droit public qu’il reconnaît, par lesquels il se croit lié. M. Waddington a précisé cette situation avec une parfaite et prévoyante, justesse. Oui, la France est neutre et veut rester neutre ; elle le sera avec d’autant plus d’honneur, elle jouera d’autant mieux son rôle pacifique qu’elle pourra s’appuyer sur une armée toujours puissante, soigneusement tenue en dehors des fluctuations des partis. M. le ministre des affaires étrangères n’est point sûrement d’un autre avis.

Au milieu des agitations du monde, au milieu des préoccupations extérieures et intérieures qui créent aux peuples, à la France comme aux autres pays, une vie laborieuse, les œuvres modestes, peu bruyantes, toutes pratiques ne sont pas les moins efficaces et les moins méritoires. Ce n’est pas pour l’ostentation et le bruit que s’est fondée, à la suite de la cruelle paix de 1871, la société de protection des Alsaciens-Lorrains. Eût-elle voulu se donner un rôle public, elle ne l’aurait pas pu, elle serait devenue bientôt un embarras, et elle aurait péri pour avoir voulu l’impossible dans des circonstances fatalement définies. Elle s’est formée tout simplement sous une inspiration d’humanité pour panser une des plaies de la désastreuse guerre ; elle est née d’un sentiment attendri de solidarité à l’égard des provinces brusquement détachées du giron national par la fortune des armes ; elle a été conçue pour secourir des compatriotes de la veille, les « Alsaciens-Lorrains demeurés Français, » les uns expatriés volontaires, les autres contraints par les nouveaux maîtres de quitter le foyer natal, tous rendant à la France ce dernier et filial hommage de venir lui demander asile. La première condition d’existence pour elle était de ne pas se mêler de politique ; son premier soin devait être de ne pas distinguer entre les déshérités qui s’adressaient à elle, de ne leur demander ni quelles étaient leurs opinions, ni quelles étaient leurs croyances et leur religion. C’est l’article fondamental des statuts : la société « reste étrangère à toute tendance