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A quoi bon insister ? Chaque type, chaque sujet implique des conditions de mise en scène particulières. C’est aux artistes qu’il appartient de les apprécier suivant les cas, et nous nous garderons bien de prétendre signaler ici toutes les mesures de détail à prendre ou toutes les fautes à éviter. David a plusieurs fois réussi dans ses statues de personnages historiques, dans son Condé particulièrement, à concilier les vérités d’un ordre supérieur avec les vérités caractéristiques et individuelles, les larges intentions d’ensemble avec l’imitation scrupuleusement exacte des détails. Les sculpteurs pourront utilement consulter quelques-uns des exemples sortis de son ciseau : nous doutons qu’ils tirent un grand profit des avis que leur aura transmis sa plume et même qu’ils les jugent assez concluans pour essayer de s’y conformer dans la pratique.

C’est ce qu’on pourrait dire en général des écrits de David que M. Henry Jouin a recueillis, mais cela ne signifierait nullement qu’ils manquent d’intérêt. Ces écrits sont précieux au contraire, parce qu’ils dépeignent au naturel, parce qu’ils nous font bien connaître les coutumes d’esprit et le caractère d’un homme qui, par les œuvres de son talent, mérite d’être attentivement et respectueusement étudié. En outre, là même où l’expression de la pensée est confuse ou incomplète, ils révèlent un amour si persévérant de l’art et du travail, ils respirent à chaque ligne une passion du bien si sincère qu’on ne peut qu’honorer de grand cœur celui qui les a signés. D’où vient toutefois que, par une exception singulière à ses habitudes de désintéressement et de bonne foi, David, quand il parle des sculpteurs contemporains, se laisse aller soit à des rigueurs, soit à des effusions de bienveillance trop surprenantes pour qu’on ne les soupçonne pas d’être un peu calculées ? Les jugemens au moins sévères qu’il porte sur quelques-uns de ses rivaux, sur Rude, dont il condamne sans restriction même les meilleurs ouvrages, sur Cortot, qu’il appelle dédaigneusement « un honnête marchand, » sur Barye, à qui il reproche, — grief fort inattendu sans doute, — de n’avoir pas « philosophiquement conçu » son Lion étouffant un boa, — les éloges presque enthousiastes en revanche qu’il accorde à des sculpteurs bien inférieurs à lui, comme Callamare et Espercieux, — d’autres échappées critiques assez significatives encore permettraient de supposer que, en face des ouvrages d’autrui, David ne laissait pas de songer un peu trop volontiers aux intérêts de sa propre gloire.

Qu’aurait pensé David si quelqu’un de ses confrères s’était avisé de le traiter, lui et ses ouvrages, avec la même intolérance et dans des termes aussi durs ? David était à juste titre fier des preuves qu’il avait faites, des gages de haut talent qu’il avait donnés dans un certain nombre de travaux, Peut-être même avait-il un fonds