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M. Jouin ne laisse pas au fond de reconnaître ce que ces préférences et ces exclusions ont d’excessif ; mais il y trouve une excuse, ou en tout cas une explication dont il se contente, dans l’état politique des esprits au moment où le travail fut confié à David, et dans les souvenirs qu’on gardait de l’époque où la transformation de l’église de Sainte-Geneviève en un Panthéon profane avait été une première fois décidée. Soit : les origines du monument rendu peu après 1830 à son ancienne destination pouvaient jusqu’à un certain point être rappelées par le sculpteur, mais sous la forme d’une allusion seulement, et non dans des termes si précis, dans des limites chronologiques si étroites qu’il semblerait que l’histoire de notre pays n’est pas plus vieille que la muraille où elle est écrite, que l’ère de nos gloires ne s’est ouverte qu’avec le dernier siècle, et que la reconnaissance due aux grands hommes de la France moderne nous dispense de la gratitude envers tous ceux qui les ont précédés. Au point de vue de la vérité historique comme au point de vue de la vérité morale, le Fronton du Panthéon fausse le sens et contredit la lettre de la noble inscription qu’il surmonte. Rachète-t-il au moins cette contradiction par les beautés de l’exécution proprement dite et, si on ne le considère que comme œuvre d’art, y a-t-il lieu de l’admirer sans réserve ainsi que M. Henry Jouin semble nous le conseiller ?

Certes, lorsqu’on aperçoit de loin et qu’on embrasse d’un premier coup d’œil l’ensemble du Fronton, on ne peut qu’être frappé de l’aspect ouvertement décoratif qu’il présente, du jeu et de la plénitude des lignes, de l’art avec lequel les surfaces saillantes et les parties privées de lumière ou, — pour parler la langue du métier, — les rondes-bosses et les trous sont combinés en vue de l’harmonie de l’effet général. C’est la un mérite assez sérieux en soi et, de plus, assez rare pour qu’il faille en tenir grand compte et reconnaître à celui qui en a fait preuve des ressources d’imagination et nue habileté supérieures. Il n’y aura que justice encore à louer hautement cette belle figure de la France placée au centre de la composition, et dont les deux bras étendus distribuent des couronnes aux groupes qui se pressent à ses côtés. Ici nulle emphase, nulle exagération de mouvement. La majesté de l’attitude est aussi éloignée de la froideur que l’énergie du geste lui-même ressemble peu à de la violence. Quant à l’exécution de toute la figure, elle a une fermeté et une ampleur dont on trouverait difficilement des témoignages équivalens même dans les meilleurs ouvrages de David. Si les autres parties de la composition avaient été traitées avec cette sobriété dans le style et ce sentiment robuste de la beauté, le Fronton du Panthéon ne mériterait pas seulement d’être