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quelle place ce talent lui assigne-t-il dans l’histoire de notre école ? La première, suivant M. Henry Jouin : la première au moins dans notre école moderne, puisque des comparaisons successivement établies par l’écrivain il résulterait que les travaux du sculpteur d’Angers n’ont pas même leur équivalent dans les meilleurs ouvrages de Rude, de Pradier, de Duret, à plus forte raison dans ceux de Lemot et de Simart. Bien plus, pour caractériser le genre de supériorité qui appartient au maître dont il s’est fait à la fois le biographe et le panégyriste, M. Jouin n’hésite pas à nous déclarer dès le début que la vie de David d’Angers se résume en un seul mot : « la création d’un art national. »

Franchement, c’est beaucoup trop dire. Un art national, — qui ne le sait ? — existait chez nous bien avant que David vînt au monde, et, depuis nos admirables sculpteurs anonymes du XIIIe siècle jusqu’aux contemporains de Houdon, la liste serait longue, — plus longue même que dans aucun autre pays, — des artistes qui, en taillant la pierre ou le marbre, ont en même temps prouvé avec éclat l’originalité de leur génie et traduit les inclinations, défini nettement les aptitudes du génie national ; mais n’insistons pas là-dessus, de peur, en nous attachant trop à la lettre, de paraître prendre pour une erreur de principe et de reprocher comme telle ce qui n’autoriserait en réalité qu’une querelle de mots. Il n’est pas possible qu’un homme aussi érudit que l’auteur du livre sur David ait entendu sacrifier à la gloire de celui-ci tout le passé de la sculpture française, et qu’il se soit laissé aller à oublier ou à méconnaître des titres et des chefs-d’œuvre que les moins savans seraient en mesure de lui rappeler. Le plus probable est qu’il a voulu simplement louer David de ses efforts persévérons pour populariser par la sculpture les souvenirs de notre histoire, pour la personnifier dans les images de ceux qui en sont le principal honneur ; mais, même réduit à ces termes, l’éloge aurait encore une certaine exagération. Le sculpteur de Condé et de Corneille, du Général Foy et de Cuvier n’est ni le premier ni le seul en France qui se soit avisé de rendre hommage à des ancêtres ou à des contemporains illustres. Pour ne citer que ces exemples entre bien d’autres, les statues sculptées au XVIIIe siècle de Duguesclin et de Sully, de Descartes, de Bossuet, de Voltaire, montrent assez qu’avant lui plus d’un sculpteur avait eu déjà la pensée de recommander à la vénération ou à la gratitude publique la mémoire de nos grands hommes ou de nos grands écrivains.

David a donc seulement mis cette pensée en pratique avec plus de continuité qu’aucun de ses prédécesseurs et par des moyens plus variés que ceux dont ils s’étaient servis. Il ne s’est pas contenté de