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aux impressions extérieures ; il se plaisait à encourager les dévotions nouvelles, le sacré-cœur, le culte de saint Joseph, et à donner un aliment au mysticisme morbide d’une époque blasée. Sous son règne, le côté sensible et sentimental, le côté féminin du catholicisme, s’est développé de plus en plus au sein d’une société prosaïque, positive et réaliste à l’excès. Ici comme en toute chose, l’on peut dire que le genre de piété fomentée par Pie IX était en opposition avec l’esprit du siècle, et, près des âmes rêveuses et passionnées, près des cœurs froissés par la sécheresse de notre âge, c’est ce qui le plus souvent en a fait le succès.

Il en est de la hiérarchie comme de la liturgie : à cet égard aussi, le sens et la portée de l’œuvre de Pie IX n’ont pas toujours été bien compris. On sait que c’est Pie IX qui a restauré l’épiscopat catholique dans la Grande-Bretagne, en Hollande, aux États-Unis d’Amérique, en Grèce, en Bulgarie. Le pape qui a perdu les états temporels de l’église n’a cessé de travailler à étendre ostensiblement ses états spirituels, à organiser ses nouvelles provinces, à assimiler ses conquêtes ou ses colonies. Un des premiers actes de Pie IX, remonté sur le trône après la révolution de 1848, fut de rétablir la hiérarchie dans la rebelle Angleterre ; une des dernières pensées du pontife définitivement détrôné a été de relever l’épiscopat catholique en Écosse. Les années ont fait oublier le scandale provoqué en Angleterre par l’usurpation du souverain étranger qui, à l’insu de la reine et du parlement, se permettait de découper le sol britannique en diocèses. Jamais pape n’avait encore affirmé aussi hautement la souveraineté pontificale. Le saint-siège assumait, vis-à-vis des peuples et des gouvernemens, un droit dont Pie IX ne s’est pas fait scrupule d’user, à l’égard même des états envers lesquels la cour de Rome était liée par des conventions. C’est ainsi que, pour ériger un diocèse de Genève, le pape rompait avec la confédération helvétique et faisait naître un schisme de plus.

Toutes ces créations de diocèses avaient pour la cour de Rome un autre avantage que de multiplier en apparence le nombre de ses provinces et de ses sujets. En restaurant la hiérarchie dans le domaine séculaire du schisme et de l’hérésie, le saint-siège modifiait insensiblement à son profit la constitution historique et la composition traditionnelle de l’épiscopat. La hiérarchie, ainsi rétablie en dehors des peuples et des gouvernemens, était fort différente de l’ancienne hiérarchie catholique qu’elle prétendait remplacer. L’une était recrutée avec le concours des fidèles, du clergé ou de l’état, l’autre était nommée directement par la cour de Rome ; l’une gardait quelque chose de national, l’autre tenait tout du saint-siège. Lorsqu’en tant de contrées il substituait des évêques aux vicaires