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Pie IX a-t-il fait mouvoir tous les ressorts de l’église ? Ce n’était plus, comme au temps d’Urbain II ou de Clément III, pour la délivrance de la tombe du Christ, c’était pour une couronne terrestre, pour un sceptre temporel. Ce seul fait a pour bien des hommes, pour des nations entières, été un objet de scandale. Le peuple ne comprend guère les idées complexes et les mobiles désintéressés, il entendait mal la théorie ecclésiastique de la souveraineté du pape comme garantie de son indépendance. Le peuple ne voyait qu’une chose : le vicaire de celui qui a dit « mon royaume n’est pas de ce monde » luttant obstinément pour une royauté mondaine. Ce qui chez le noble pontife était dévoûment à un devoir de conscience, fidélité du soldat à sa consigne, n’était aux yeux des masses que passion du clergé pour le pouvoir et pour les biens de la terre. C’était comme rempart de sa souveraineté spirituelle que Pie IX défendait sa principauté italienne, et en fait il a compromis cette autorité spirituelle en paraissant la mettre au service d’intérêts temporels.

Ce n’est point tout. En les appelant à ce nouveau combat, Pie IX a exposé à des attaques nouvelles l’épiscopat, le clergé, les catholiques qui ont pris les armes pour cette guerre sainte. En Italie, le prêtre qui a voulu rester fidèle au drapeau pontifical a dû cesser d’être citoyen et a tourné contre lui les passions les plus généreuses du cœur humain. Au nord des Alpes, si le même dilemme ne s’est pas posé devant lui avec la même rigueur, le patriotisme du prêtre, le patriotisme du fidèle, n’en a pas moins été mis en suspicion. En se levant partout comme une milice docile au nom du pape-roi, évêques, prêtres, fidèles, se sont partout fait accuser de tenir plus à la royauté du pape qu’à la grandeur de leur patrie. Les efforts des catholiques en faveur de leur chef leur ont plus que jamais fait jeter le reproche d’être les sujets, d’être les soldats d’un souverain étranger. Les appels de l’épiscopat en faveur du Vatican sont devenus une cause de plus d’ingérence du clergé, dans la politique, une raison de plus de défiance des gouvernement et des peuples vis-à-vis de l’habit ecclésiastique. Que l’on regarde en Italie, en France, en Allemagne, en Autriche, partout on voit la papauté, le clergé, la religion même, compromis par cette longue et âpre campagne en faveur de la royauté papale.

La chute de son pouvoir temporel est ainsi d’autant plus lourdement retombée sur la papauté qu’elle s’est davantage attachée. à ses débris. Il semblait que Pie IX eût voulu s’ensevelir sous les ruines de cette royauté périssable, tant il s’obstinait à demeurer assis sur ses décombres. Non content de protester jusqu’au bout contre la sacrilège spoliation de ses droits, il a tout fait pour interdire à l’église la résignation, tout fait pour la lui rendre plus