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guerres intestines, ou pour les personnes et les idées il n’y avait de sécurité que dans les murs d’un château-fort. La souveraineté pouvait alors être pour les papes un refuge indispensable, bien qu’en ces siècles de désordre un tel abri les ait souvent fort mal protégés ; en notre siècle de révolutions et d’émeutes populaires il pouvait encore moins les défendre. Pie VI, Pie VII, Pie IX lui-même, avaient éprouvé combien cet abri était devenu précaire. Quel qu’en fût le peu d’efficacité, la papauté né s’en pouvait voir priver sans trouble ni regrets. En cessant d’habiter dans un état fait pour elle et à son seul usage, la papauté a échangé une demeure séculaire, qui était sienne, contre un logement chez autrui ; elle a pour ainsi dire cessé d’être propriétaire de sa maison, et obligée d’y vivre à côté d’étrangers, elle ne s’y trouve plus chez elle. Il lui faut transformer ses habitudes, renoncer à ses aises, se plier à des conditions d’existence nouvelles. Pour être inévitable, pour être dans l’ordre naturel des choses, l’abolition du pouvoir temporel n’en est pas moins pour la papauté et l’église une révolution dont on ne peut encore mesurer toutes les conséquences.

Personne ne saurait donc s’étonner de la ténacité avec laquelle Pie IX a défendu ses droits de souverain. Pendant trente ans, pendant vingt ans surtout, cette chétive couronne terrestre a été la grande préoccupation de Pie IX, de l’épiscopat, de l’église entière. Cette défense obstinée du pouvoir temporel en a pour l’église rendu la perte plus sensible, plus douloureuse, plus dommageable. Pie IX s’était tellement attaché, tellement cramponné à son trône, qu’en se le laissant arracher, la papauté en a éprouvé un déchirement dont elle saignera longtemps. La grandeur de sa défaite doit se mesurer à l’opiniâtreté de sa résistance. Quelle levée de boucliers n’a pas été faite ! que de combattans de toute sorte appelés la rescousse, prêtres et laïques, libéraux, protestans, libres penseurs même ! Jamais, depuis la réforme, l’église n’avait entrepris une telle campagne ; en 1848, en 1860, après 1870, il y a eu en faveur du trône apostolique une véritable croisade, et les croisés ont été vaincus, Dieu n’a pas entendu la voix de son vicaire. C’est au moment où le ciel l’en laissait dépouiller que dans ses allocutions, dans ses encycliques, dans son syllabus, le pape infaillible a proclamé la royauté temporelle nécessaire à la liberté de son ministère. Qu’a gagné la chaire de saint Pierre à l’affirmation d’une doctrine qui semblait vouloir défier les faits ? Aux yeux du plus grand nombre, la Providence à infligé au pape et à l’épiscopat un démenti que chaque année rend plus manifeste.

Ce qui pour le saint-siège a encore aggravé la portée d’un tel revers, c’est l’objet du combat, l’enjeu de la lutte. Pour quelle cause