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et la mort. » Il s’approprie les textes, il les commente avec amour, il s’y délecte comme s’il y voyait la formule du salut. C’est bien là en effet ce qu’il y a de plus net dans sa théorie : la suppression du commerce sexuel ; le reste n’est le plus souvent que verbiage ou chimère. Supprimer la vie directement, en détruire le principe et la source, non pas dans des catégories spéciales de moines, de prêtres ou de célibataires laïques, mais dans l’humanité tout entière, par un accord spontané de toutes les intelligences, de toutes les volontés ; concerter ce grand acte d’abstention volontaire qui déjouera toutes les ruses du génie de l’espèce, toutes les perfidies de la femme, l’agent secret de ce génie, l’instrument de règne à son service ; d’un seul coup renvoyer dans le néant tous les siècles futurs et toutes les générations que nous suscitons, sans les consulter, à la vie, à la souffrance ; arrêter l’histoire à l’heure actuelle du globe et ne pas laisser d’héritiers de nos misères, pouvoir dire enfin : « Plus d’hommes sous le ciel, nous sommes les derniers, » quel beau rêve dont il ne dépend que de moi de faire une réalité ! Et quel homme hésiterait à souscrire d’enthousiasme à ce programme, à célébrer ce sabbat universel de la délivrance, dès que la raison sera suffisamment éclairée et que le règne de Schopenhauer sera arrivé sur la terre ? À cette libération de l’homme s’ajoutera, par l’effet de la solidarité de tous les êtres, la délivrance de toute la nature. « Je crois pouvoir admettre, s’écrie Schopenhauer, que toutes les manifestations phénoménales de la Volonté se tiennent entre elles, que la disparition de l’humanité, qui est la manifestation la plus haute de la Volonté, entraînerait celle de l’animal, qui n’est qu’un reflet affaibli de l’humanité, et aussi celle des autres règnes de la nature qui représentent les degrés inférieurs de la volonté. C’est ainsi que devant la pleine clarté du jour le phénomène s’évanouit[1]. »

En attendant cette apocalypse de la fin du monde et en vue de la préparer, on dit que dans l’Allemagne, et particulièrement à Berlin, il existe à l’heure qu’il est une sorte de secte schopenhauériste qui travaille activement à la propagande de ces idées et qui se reconnaît à certains rites, à certaines formules, quelque chose comme une franc-maçonnerie vouée par des sermens et des pratiques secrètes à la destruction de l’amour, de ses illusions et de ses œuvres. On nous assure que la secte publie des brochures mystérieuses, pleines d’informations et d’instructions du plus haut intérêt au point de vue de la pathologie morale, mais de l’effet le plus bizarre sur les lecteurs qui ne sont pas initiés. L’apostolat, évidemment dévié, de quelques prosélytes va jusqu’à un degré de folie devant

  1. Le Monde, etc., 3e édit, I, p. 440.