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père, à vous, à l’isolement où vous vous trouvez. J’ai bientôt reçu une autre nouvelle affligeante et bien inattendue : la mort de ce bon duc de Richelieu. Vous savez toutes les preuves d’attachement que j’ai reçues de lui. C’était une amitié que je croyais formée pour le reste de mes jours, et c’est une grande perte que je fais. C’est dans ces dispositions mélancoliques que je parcours les grandeurs de Rome païenne et chrétienne… » Peu après, à son arrivée à Naples, il perdait un enfant. Tout se réunissait pour l’éprouver, pour lui rendre plus amers ces premiers momens dans la retraite où il allait échouer, après avoir parcouru, selon le mot d’un de ses amis, « la même voie que Cicéron envoyé par des ingrats en exil. » Qu’allait-il faire dans cette retraite aux bords du golfe de Naples, au milieu des plus riantes contrées de l’Europe ? Il restait naturellement ce qu’il était, un homme d’élite dans la diplomatie comme au parlement, fait pour relever et honorer cette vie nouvelle par la vive intelligence des intérêts supérieurs du pays, par tous les goûts généreux de l’esprit, comme par la dignité simple et attachante du caractère. Sa diplomatie, il la mettait tout entière, au moins pour l’inspiration, dans ces mots qu’il écrivait à M. de Villèle après trois mois de séjour à Naples : « Les malheurs que la France a éprouvés ont trop longtemps neutralisé son influence ; à mesure que ces malheurs s’effacent, cette influence doit renaître : elle fait partie de l’honneur de la couronne : elle est l’un des besoins d’une nation forte et accoutumée à agir sur les autres, enfin et surtout elle est un besoin pressant de l’Italie… » Il n’avait pas tardé à faire sentir dans ses dépêches le politique supérieur, le « ministre passé et peut-être même futur. » Le danger pour lui était l’inaction dans une petite cour d’Italie.

L’exil avait sans doute ses compensations et ses épisodes. De Serre, comme ambassadeur à Naples, était bientôt appelé an congrès de Vérone, où il se rencontrait avec les souverains, les chanceliers, les premiers diplomates de l’Europe, avec le ministre des affaires étrangères de France, M. de Montmorency et M. de Chateaubriand, qui allait prendre la place de M. de Montmorency. Il s’intéressait à tout ce mouvement d’une grande réunion européenne. « Les premiers jours ici sont fort pris par les visites, présentations, écrivait-il à sa mère. C’est un monde brillant à en être ébloui ; avec tout cela on prétend qu’on s’ennuie… Ce dont je profite c’est de l’instruction qu’offre la conversation de tant d’hommes plus ou moins distingués de toutes les nations, c’est du plaisir de démêler, au milieu de cette confusion apparente de volontés diverses, la marche réelle de la politique ; plaisir d’esprit qui d’ailleurs, comme vous le pensez bien, n’est pas sans mélange… » Bien qu’il ne figurât pas au premier rang et qu’il fût même d’abord « un