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pour les employés ; on n’en avait convoqué aucun, et presque tous étaient venus se mettre à la disposition de leurs chefs. M. Marsaud, M. Chazal, M. Mignot, M. de Benque, étaient là et causaient avec le commandant Bernard, que les circonstances élevaient au rang de gouverneur militaire de ta Banque de France. De ce jour, il en prit les fonctions, qu’il exerça, avec une sagacité à la fois très prudente et très ferme, jusqu’au 24 mai, c’est-à-dire pendant deux mois.

Les constructions où sont installés les bureaux, les caisses, les serres, les caves, les salles de délibération, l’imprimerie, les galeries de recette, le logement des fonctionnaires, les postes de surveillans de la Banque de France, forment un îlot assez considérable ayant l’apparence d’un rectangle tronqué, serti entre les rues de La Vrillière, Radziwill, Baillif et Croix-des-Petits-Champs. Placée au milieu d’un quartier très populeux que sillonne une grande quantité de petites rues, voisine des passages Vivienne et Colbert qui peuvent servir de chemins couverts pour s’en approcher, à proximité des Halles, de la place des Victoires, qui la découvre par la rue Catinat, à peine séparée du Palais-Royal, la Banque est dans une position périlleuse, car on peut l’attaquer par plus d’un côté ; mais, lorsqu’elle a clos ses grilles et fermé ses volets, elle est facile à défendre, car on ne peut la menacer sérieusement qu’à très courte distance ; or, à portée restreinte, un fusil à répétition est plus redoutable qu’une pièce d’artillerie. A cet instant précis, en mars 1871, la situation des bâtimens de la Banque était des plus défavorables ; on était en train de les réédifier. La vieille distribution de l’hôtel de Toulouse ne suffisait plus depuis longtemps à l’amplitude des services que l’accroissement de la richesse publique développait de jour en jour ; on avait repris toute la construction en sous-œuvre ; on l’avait singulièrement agrandie en s’annexant quelques maisons mitoyennes. Lorsque la guerre vint, on était fort peu protégé malgré les échafaudages qui masquaient les murs inachevés ; on n’avait pas beaucoup travaillé pendant le siège, et au moment où les futurs généraux de la commune menaient le branle de l’insurrection à Montmartre et à Belleville, la Banque était ouverte du côté de la rue Radziwill. Le commandant Bernard, fort heureusement, n’était point homme à se troubler pour si peu, et il remplaça promptement par des sacs de sable les murailles qui faisaient défaut.

La distribution de tous les employés de la Banque en trois compagnies divisées en pelotons et en escouades avait été maintenue ; on avait donc immédiatement sous la main une force d’environ cinq cents hommes armés, dont beaucoup, surtout parmi les garçons de recette, étaient d’anciens soldats, et qui, tous propriétaires au moins d’une action de la Banque, étaient solidement résolus à combattre pro aris et focis. C’était peu pour engager une action