Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 27.djvu/300

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

468 millions ; effets prorogés, 431 millions ; valeurs déposées en garantie d’avances, 120 millions ; lingots déposés, 11 millions ; bijoux déposés, 7 millions ; titres déposés, 900 millions ; billets de banque prêts à être livrés, c’est-à-dire auxquels il ne manquait que la griffe du caissier, 800 millions. Donc un total de 2 milliards 980 millions.


II. — LES MOYENS DE DEFENSE.

Le 18 mars, pendant que les fédérés des buttes Montmartre assassinaient le général Lecomte et Clément Thomas, pendant que le comité central, surpris de l’aventure, se réunissait rue Basfroid pour tâcher d’en tirer parti, le conseil général de la Banque, présidé par le gouverneur, délibérait afin de donner au commerce des facilités de paiement relatives aux effets prorogés, qu’une loi criminelle à force de maladresse, venait de rendre exigibles. On ne savait trop rien de ce qui se passait. Toute la nuit, on avait entendu sonner l’alarme et battre la générale ; on se doutait bien qu’une action était engagée, mais on croyait encore naïvement que l’on se rendrait maître, sans trop de difficultés, de ces canons que l’on avait laissé à la population tout le loisir de traîner sur les points élevés qui dominent Paris. Les premières nouvelles arrivèrent à la Banque vers deux heures de l’après-midi ; elles n’étaient point rassurantes, tant s’en faut. Les quartiers populaires étaient soulevés ; presque partout les soldats s’étaient laissé désarmer et échangeaient des accolades avec les émeutiers autour du comptoir des marchands de vin ; seuls, les gardes de Paris, les gendarmes et les gardiens de la paix avaient fait leur devoir et s’étaient vus forcés de rétrograder devant la masse insurgée qui les repoussait. On disait que des généraux étaient prisonniers, que la population indécise semblait flotter vers une complicité latente ; on ajoutait que les membres du gouvernement, réunis au ministère des affaires étrangères, discutaient entre eux et paraissaient ne savoir à quel parti s’arrêter.

C’était fort grave ; la Banque pensa à elle-même, aux richesses qu’elle renfermait, et elle estima qu’elle devait être protégée contre une irruption possible de l’émeute victorieuse. Derrière les portes closes, on ferma les grilles, et les employés s’armèrent. On crut bon de faire appuyer les compagnies de la Banque par quelques soldats de l’armée régulière, et le gouverneur chargea le contrôleur, M. Chazal, d’aller chez le général Vinoy pour le prier de diriger sur l’hôtel de La Vrillière une compagnie de gendarmes qui était de service à la mairie du Ier arrondissement. Le colonel Filippi, sous-chef d’état-major, délivra immédiatement l’ordre demandé, tout en disant à M. Chazal qu’on ne pourrait