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ici une question de droit ecclésiastique ; nous constaterons seulement que l’église d’Orient, quand elle a été libre, a toujours repoussé la suprématie du pape et toute intervention latine dans ses propres affaires. Nous noterons d’autre part que, depuis les anciens temps jusqu’à ces dernières années, la papauté a revendiqué cette suprématie. Après la chute de l’empire romain, les princes barbares, dépourvus de toute instruction, étaient incapables de fonder un ordre légal ; l’église latine, plus éclairée, put exercer sur eux une action utile ; elle contribua au développement moral et politique de sociétés en voie de formation ; elle acquit sur elles, sur leurs chefs et sur leurs gouvernemens une autorité qui bientôt devint prépondérante et que l’histoire explique suffisamment. Mais, remarque l’historien Macaulay, quand le développement progressif des sociétés occidentales eut amené l’établissement d’un état de choses régulier, la suprématie de l’évêque de Rome devint inutile. Les princes s’en affranchirent, et une notable partie de l’Europe y échappa par la réforme. Rien de pareil n’avait eu lieu en Orient. La civilisation ne s’était pas interrompue, l’empire grec n’avait pas été détruit ; il s’était maintenu avec énergie. Il avait repoussé toutes les invasions ; ceux des barbares qu’il avait tolérés sur son sol, il les avait hellénisés. Sa métamorphose chrétienne avait suivi le mouvement d’une civilisation qui était la sienne. Jamais l’autorité religieuse n’avait eu à se substituer à celle des princes ni à la régler ; au contraire l’autorité laïque avait été placée au-dessus d’elle : l’empereur était tenu pour supérieur au patriarche. On alla même plus loin : le pouvoir impérial eut à trancher plus d’une fois des questions ecclésiastiques. On avait compris qu’entouré de nations ennemies, l’hellénisme avait besoin d’un principe d’unité assez fort pour y empêcher des ruptures qui auraient pu leur en ouvrir l’entrée. A nos yeux, ce fut sans doute un empiétement du pouvoir sur la liberté de conscience ; mais, comme le dit justement M. Paparrigopoulo, « juger le passé selon les idées nouvelles, c’est faire de l’histoire un acte d’accusation contre l’humanité. » De cette intervention d’une monarchie civilisée dans les questions religieuses résulta d’ailleurs pour l’empire d’Orient cet autre avantage de modérer le fanatisme. En Occident, le clergé prit le caractère oppressif que donne la toute-puissance chez des peuples encore barbares ; en Orient, il fut plus doux et plus humain.

Ce contraste entre la situation des deux églises produisit des crises successives, dont deux ont eu un long retentissement dans l’histoire : celle du IXe siècle sous le patriarcat de Photius et celle du XIe sous celui de Cyrille. Elles achevèrent la rupture entre Rome et Constantinople, mais sans rien ôter aux prétentions de la cour pontificale. Au contraire, les exigences des papes allèrent