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l’empire romain eut été à son tour envahi par le christianisme, il ne subsista plus que l’opposition des deux langues, des deux civilisations. Enfin la fondation de Constantinople produisit d’une part la rupture entre les Grecs et les Romains, et de l’autre l’unification de l’hellénisme. A la vérité, on disait « l’empire romain d’Orient ; » mais ce n’était là qu’un nom, de même qu’aujourd’hui encore la langue grecque s’appelle le « romaïque. » Avant Théodose, les hommes, la langue, les sentimens, tout était devenu grec à Constantinople. La réaction latine que tenta Justin, fils « romanisé » d’un paysan slave, fit ressortir l’antagonisme profond des Grecs et des Romains ; en forçant l’évêque de Constantinople à reconnaître la suprématie de celui de Rome, il acheva la séparation des deux églises. Vainement son fils Oupravda prit-il le nom latin de Justinien et voulut-il faire prévaloir la langue, les usages et les dénominations latines dans l’empire d’Orient ; le caractère grec de cet empire demeura invariable, et lui-même se vit forcé d’employer la langue grecque pour une partie de sa législation. Enfin, quand il dut reconstruire la métropole de Sainte-Sophie, brûlée en 532, il dut suivre le goût des Hellènes et non celui des Italiens, renoncer à la forme de basilique et adopter celle de la croix à quatre branches égales, qui est celle de la croix grecque, et qui remonte aux temps les plus reculés de la race hellénique. Sainte-Sophie devint à son tour le type de toutes les églises orientales de quelque importance et le point « vers lequel tous les peuples chrétiens de l’Orient tournent encore leurs regards. » Ainsi la force des choses fit échouer la réaction latine tentée par Justinien ; Héraclius en effaça les dernières traces, remplaça les titres latins par des titres grecs, et depuis lors les monnaies byzantines cessèrent de porter des mots latins. Enfin l’effort de l’administration impériale se porta vers les provinces excentriques, surtout vers celles de l’ouest et du nord, qu’envahissait peu à peu le flot barbare, et elle parvint à leur conserver, au moins dans les villes, le caractère hellénique qu’elles avaient depuis les anciens temps.

Le VIIe siècle vit l’empire grec se concentrer de plus en plus en se rétrécissant par la perte de ses provinces les plus écartées. Si la doctrine chrétienne ne s’était pas brisée lors des grandes discussions dogmatiques des premiers siècles, les Coptes n’auraient pas été jacobites ; ils seraient restés attachés à l’hellénisme et n’auraient pas accepté la domination musulmane ; l’Égypte aurait pu être conservée à l’empire. Il en eût été de même pour la Syrie et la Mésopotamie : les monophysites y formaient la moitié de la population ; de l’autre moitié, une partie résista aux Arabes et périt, quelques-uns se firent renégats, beaucoup s’enfuirent à Constantinople. Ainsi ces provinces se soumirent aux Arabes et payèrent le karach ;