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et du roi d’Égypte n’en contenaient pas moins de 60,000. La fondation des royaumes grecs, qui se substituèrent à l’empire des Perses, eut pour conséquence immédiate un énorme mouvement d’affaires dont les Hellènes furent les principaux agens. C’est entre leurs mains que passa le commerce des villes d’Asie, de l’Égypte, de l’Afrique septentrionale et même des contrées d’Occident que baigne la Méditerranée. Les villes nouvelles fondées par Alexandre et par ses successeurs dépassèrent en nombre celles que la guerre avait ravagées ; on connaît les noms de deux cents d’entre elles ; elles surpassèrent aussi les anciennes par l’élégance et la solidité des habitations, par la régularité des plans et par leur bonne administration. Quelques-unes furent de très grandes villes : Séleucie eut 600,000 habitans ; Alexandrie d’Égypte en eut 800,000 ; Antioche égalait Séleucie.

Les Grecs qui émigraient formèrent comme des courans non interrompus partant de la mère patrie et aboutissant à tous ces points, où leur activité trouvait à s’employer. En moins d’un siècle, la péninsule hellénique se changea en une sorte de désert, tandis que les contrées où les armées d’Alexandre avaient pénétré se remplissaient d’Hellènes qui s’y fixaient pour ne plus revenir. Leurs arts, leur littérature, leurs institutions politiques les suivaient ; ils prenaient partout un rôle d’autant plus important qu’ils formaient dans toutes les villes la partie la plus active de la population. Toute l’Asie antérieure s’hellénisa. Mais le véritable centre de l’hellénisme à cette époque fut l’Asie-Mineure, à laquelle on peut ajouter la Basse-Égypte. La langue grecque s’y substitua aux idiomes locaux, et devint comme la langue commune de la vaste étendue de pays comprise entre l’Inde, l’Arabie, la Haute-Égypte, le désert d’Afrique, l’Italie centrale, le Danube, le nord de la Mer-Noire et le Caucase. Au centre, on ne parla plus que le grec ; dans les parties les plus excentriques, les actes publics se firent en grec et en langue du pays : ainsi les monnaies de la Sogdiane et de l’Afghanistan montrent à la fois les deux langues ; on découvre encore aujourd’hui dans le Guzarat, aux bouches de l’Indus, des monnaies grecques témoignant des relations commerciales de cette époque. On sait aussi que les Séleucides avaient des ambassadeurs en mission permanente auprès des rois indiens : on connaît le nom de Mégasthène, qui séjourna longtemps à la cour du roi bouddhiste Tchandragoupta. Il est juste toutefois de dire que jusque dans les temps chrétiens, au centre même de l’hellénisme, on distingua les habitans des villes de ceux des campagnes, sur qui l’influence grecque avait moins de prise, et que ces derniers furent désignés par le mot nations ; c’est ce mot qui fut traduit en latin par gentils, et il eut presque la même signification que le mot