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soufflait pour eux. — Ils triomphaient de tout, des mouvemens révolutionnaires qui les avaient effrayés et de la défaite des insurrections, qui relevait leur courage en servant leurs intérêts de parti. Ils triomphaient des défaillances de volonté du roi sous le charme féminin qui travaillait pour leur cause et de l’ascendant croissant de leur prince, le comte d’Artois. Ils triomphaient de la naissance du duc de Bordeaux, qui, en trompant le crime du 13 février, semblait être une faveur miraculeuse pour la royauté. Ils triomphaient des élections de la fin de 1820, qui réalisaient du premier coup tout ce qu’ils avaient attendu de la loi nouvelle du double vote, qui les fortifiait dans le parlement. — Et plus cette situation se développait, s’accentuait, plus le ministère, avec ses vues de modération, se sentait embarrassé d’une alliance aussi onéreuse que précaire.

Ce qu’on accordait à la droite pour l’apaiser ou la gagner ne faisait que lui montrer sa puissance et aiguillonner ses appétits de règne ; ce qu’on refusait à ses passions, à son esprit de représailles et de domination exclusive ne servait qu’à l’irriter. Pour cette majorité impatiente qui avait été dépossédée depuis 1816 et qui se sentait revivre, qui voyait bien que désormais on ne pouvait rien sans elle, le gouvernement du duc de Richelieu ne suffisait plus ; il n’était lui-même que le dernier et l’équivoque représentant de la politique qui avait fait le « 5 septembre, » — souvenir toujours cuisant ! — qui avait favorisé les libéraux, qui avait pactisé avec les révolutionnaires ! On avait abattu le grand coupable, M. Decazes, d’un coup de massue, ce n’était pas assez. Les royalistes avaient de la peine à supporter un ministère qui, même en les flattant et en les comblant, leur marchandait encore l’influence, les bénéfices du pouvoir, les réparations, qui ne procédait pas assez vite aux épurations dans l’armée, dans la magistrature, dans l’administration, dans les préfectures, — car en tout temps, dans les luttes de partis, il y a toujours des préfectures ! Le ministère gardait encore trop du passé, et, par une logique invariable, depuis que M. Decazes avait disparu, l’animosité se tournait contre ceux de ses collègues qui étaient restés au pouvoir, contre M. Mounier, le directeur de la police, contre M. Siméon, surtout contre M. Pasquier, qui, lui aussi, avait servi l’empire, qui était soupçonné, — justement soupçonné à son honneur, — d’être assez libéral dans sa politique extérieure en Italie contre l’Autriche. L’honnête Froc de La Boulaye se montrait assez naïf lorsqu’il écrivait en ce temps-là à M. Decazes : « Il est impossible que les royalistes méconnaissent les bienfaits d’un gouvernement qui leur a tendu la main lorsqu’ils étaient sur le bord de l’abîme. Il est impossible que le côté droit se laisse conduire par une poignée d’intrigans et de fous. » Il y avait sans doute des royalistes de raison. Les vrais,