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faire une idée plus juste et plus vive des qualités qui ont fait la gloire et l’originalité de cette Athènes de l’Italie.

Nous ne pouvons entreprendre de décrire ici, l’une après l’autre, les salles où ces trésors ont pris place un peu au hasard, dans leur ordre d’entrée ; mais l’occasion est bonne, ce semble, pour essayer de définir l’impression que laisse une étude attentive de ce musée. Avec la sculpture grecque, la sculpture florentine est ce que l’art de la statuaire a produit de plus noble et de plus exquis. Par quels traits, par quelles dissemblances d’esprit et de procédés ces deux sœurs diffèrent-elles l’une de l’autre ? C’est ce que l’on sent mieux ici que partout ailleurs, c’est ce que nous tenterons d’indiquer, malgré la difficulté de la tâche qui s’impose ainsi à nos réflexions.


III

Lorsque la Grèce, après avoir déjà créé la poésie épique et la poésie lyrique, sentit s’éveiller dans son âme le génie des arts, ce qui la frappa tout d’abord et ce qu’elle s’efforça de rendre par la peinture et par la statuaire, ce fut l’ensemble de la forme nue, telle que l’offraient sans cesse aux regards les jeux de la palestre et toutes les habitudes de la vie antique. Le visage ne fut pour elle qu’une portion de cet ensemble, et, dans un certain sens, ce n’en fut pas la plus importante. Sans doute, par les narines, par la bouche, par les yeux, par la mobilité des muscles de la face que colore ou que décolore l’afflux ou la fuite du sang, c’est le visage qui manifeste le plus vite et le plus clairement les divers états de l’âme ; mais il n’est pas seul à parler. Le corps, lorsqu’aucun voile ne le dérobe à la vue, a aussi son langage, il a son expression ; sous le vêtement, celle-ci s’efface et disparaît ; l’artiste est alors entraîné à la concentrer tout entière dans les traits du visage. C’est à quoi l’artiste grec n’a jamais songé, ou n’a songé que bien plus tard ; dès la première heure, il a contemplé avec amour la forme vivante, dans sa nudité, dans son jeu libre et harmonieux, dans la sincérité du mouvement spontané, il l’a conçue comme un tout indivisible, unité naturelle où l’art qui l’imite ne doit pas rompre la cohésion et l’équilibre des parties.

Ce que le sculpteur grec sut donc rendre le plus vite, ce fut le caractère et le mouvement général de la figure. L’expression du visage est bien plus complexe, plus délicate, plus difficile à saisir ; pour la modifier profondément, il suffit d’introduire dans le modelé quelques changemens si légers que la mesure en échappe à une main et à un œil encore dépourvus d’expérience. Un coup de ciseau en plus ou en moins, et la physionomie, de gaie et de riante qu’elle