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doctrine économique ne désavouerait pas ; il fait payer l’entretien des musées et des ruines ou tout au moins une partie de cet entretien par les privilégiés qui les fréquentent et qui en jouissent. Ce système n’est-il pas plus juste que le nôtre ? Pour pouvoir établir la gratuité de l’entrée, nous répartissons entre tous les Français, sans distinction, la charge de cet entretien. C’est fort bien pour les Parisiens et pour tous les curieux qui nous font l’honneur de visiter Paris ; mais le pêcheur de nos côtes bretonnes ou normandes, mais le bûcheron du Morvan et des Vosges, mais l’ouvrier de Lyon et de Roubaix, mais tous ceux dont l’unique souci est de se procurer le pain quotidien et qui n’y réussissent pas toujours, que diraient-ils s’ils apprenaient tout d’un coup à lire le budget et s’ils y découvraient les quelques centimes dont ils sont grevés pour le Louvre, pour l’Opéra et autres lieux où jamais de leur vie ils ne mettent les pieds ? Eux qui ont souvent tant de peine à s’acquitter envers le percepteur, auraient-ils vraiment si mauvaise grâce à se plaindre de ce surcroît, tout léger qu’il puisse nous paraître ? Malgré toutes les bonnes raisons que nous ne manquerions pas de leur alléguer, ne trouveraient-ils pas bien préférable l’arrangement qui met les dépenses de tout ce noble luxe de l’esprit à la charge des heureux de ce monde, des gens d’aisance et de loisir qui sont seuls appelés à en goûter le charme et les délicates jouissances ?


II

La Florence moderne a été heureusement inspirée dans le choix de l’édifice qu’elle a destiné à recevoir et à grouper les œuvres qui représentent le mieux l’originalité de son génie. Cet édifice est un de ceux qui résument le plus clairement tout un chapitre de l’histoire florentine et qui font le plus d’honneur aux architectes toscans. C’est de tous les palais de la ville le plus ancien. La construction en fut commencée en 1256. Une révolution venait d’arracher le pouvoir aux Gibelins pour le mettre aux mains des Guelfes ; ceux-ci décrétèrent la construction d’un palais de la commune. Des tours seigneuriales, semblables à celles de Bologne ou à celles qu’en Toscane même la petite ville de San Gimignano a si bien conservées, se dressaient au-dessus des maisons et luttaient à qui monterait le plus haut ; les unes furent démolies, les autres tout au moins décapitées et contraintes de ne pas dépasser une certaine hauteur fixée pour toutes par décret ; seule la tour des Boscoli, une des plus élevées, fut respectée et devint le donjon du nouveau palais. Celui-ci absorba, outre plusieurs maisons particulières, une partie des jardins de l’antique abbaye (la Badia) dont la