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et Fra Bartolomeo, et qu’il faudrait encore moins chercher sous leur froc un orateur comme Savonarole, capable de régner par la parole sur tout un peuple et de braver, fort de sa conscience, jusqu’à la papauté même. On avait tout au moins l’illusion du regard ; l’imagination pouvait s’aider de ces apparitions pour se donner le rêve et la vision du passé. Aujourd’hui l’on n’a plus cette ressource ; le charme est rompu. Ce tourniquet où l’on paie son tribut à l’entrée, ces gardiens en costume civil qui se promènent dans les couloirs, ce monastère changé en un musée, tout cela vous avertit que l’âme s’est retirée de ce corps. Ces murailles, ornées de tendres et mystiques peintures, c’est la froide enveloppe d’un être qui a vécu. On croit entrer dans une sorte de Pompéi du catholicisme.

A la porte de chacun de ces musées, comme aux Offices et à Pitti, comme à la nouvelle sacristie, de San Lorenzo, on paie le même prix, un franc d’entrée. Une fois cette redevance acquittée, on peut pénétrer, on peut séjourner dans toutes les salles, sans avoir à ses trousses l’insupportable custode, toujours pressé, dont la présence et le bavardage monotone vous gâtaient autrefois les galeries italiennes. C’est le régime de nos musées, sauf la taxe. J’ai vu plus d’un voyageur maugréer en versant ce léger tribut. Ces doléances ne me paraissent pas justifiées. Sont dispensés de la redevance les artistes, les savans, les historiens de l’art, tous ceux enfin qui poursuivent dans les musées une étude spéciale ; la dispense est étendue aux professeurs des universités, des collèges, des écoles du royaume, et même, pour peu qu’on le demande, aux étrangers qui se trouvent dans des conditions analogues. Il y a d’ailleurs, par semaine, un jour au moins où l’entrée est gratuite. La taxe ne pèse donc que sur les simples curieux, sur les gens d’aisance et de loisir, bourgeois de la ville ou visiteurs de passage ; elle est assez faible pour ne pas les gêner, pour n’arrêter personne au seuil du musée.

Je dirai plus : un tel impôt, tant qu’il reste aussi modéré, me paraît tout à fait conforme aux règles d’une saine économie financière. En théorie, l’impôt ne devrait jamais être payé que par ceux-là seuls qui usent du produit qu’il atteint, du service qu’il frappe ; il ne devrait être payé que par le consommateur. La pratique a ses raisons pour ne pas appliquer ce principe dans toute sa rigueur. Il lui suffit de s’en rapprocher par degrés ; elle travaille donc à remplacer, dans la mesure du possible, les impôts directs par les impôts indirects ou taxes de consommation. Ce tourniquet que vous retrouverez partout en Italie, des Offices et du Capitole à Pompéi et aux temples de Pestum, représente donc un impôt équitable et que la