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les bas-reliefs que Lucca della Robbia et Donatello avaient exécutés pour la tribune de l’orgue, à Sainte-Marie-des-Fleurs. Ces bas-reliefs furent enlevés et déposés, vers la fin du XVIIe siècle, à l’occasion des fêtes préparées pour le mariage du prince qui fut bientôt après le grand-duc Ferdinand III ; on avait voulu les remplacer par une décoration qui convînt mieux au mauvais goût du temps. Depuis lors ils étaient restés, oubliés et abandonnés, dans la cour de l’Opera del duomo, c’est-à-dire de l’agence des travaux de la cathédrale ; or il a suffi de les restituer à la curiosité des amateurs pour qu’ils prissent rang parmi les œuvres les plus authentiques et les plus exquises de ces deux maîtres[1].

Florence avait donc été, jusqu’à ces derniers temps, comme ces grands seigneurs d’autrefois, magnifiques et négligens, que l’on aurait fort embarrassés en leur demandant le compte de tous leurs châteaux et de toutes leurs terres, la liste de leurs différens revenus, le chiffre exact de leur fortune ; ils se savaient très riches, et n’en demandaient pas davantage. Cette incertitude même ne leur déplaisait pas ; elle leur permettait de croire à des réserves qui les sauveraient le jour où ils sentiraient la gêne. Pour que la lumière se fît, pour remplacer les évaluations vagues par un dénombrement précis, il fallait quelque grand événement, une liquidation judiciaire, un inventaire après décès. Alors les intéressés, le grand propriétaire et ses créanciers, avaient tantôt des déceptions, tantôt d’agréables surprises. Souvent de part et d’autre on s’était fait des illusions, on s’était exagéré la valeur des biens. D’autres fois c’était le contraire ; dès que l’on y regardait d’un peu près, on découvrait à l’arrière-plan, comme dans une sorte de double-fond, des ressources non encore soupçonnées ; entre les mains d’un nouvel intendant, honnête et habile, des domaines jusque-là presque improductifs entraient en plein rapport. C’est ce qui est arrivé à Florence, après la chute de la dynastie autrichienne et de l’ancien ordre de choses ; en faisant l’inventaire de la succession qui s’était ouverte à son profit, elle a presque doublé sa richesse.

De toutes les collections qu’elle a formées en opérant cette liquidation et ce classement, la plus importante est, sans contredit, celle qui porte le titre officiel de Musée national ; mais avant de

  1. Nous empruntons ces renseignemens et plusieurs autres détails que l’on trouvera dans le cours de ce travail à l’intéressant ouvrage intitulé Walks in Florence, by Susanand Johanna Horner (2 vol. in-12, deuxième édition, Londres, 1877, Henry S. King). Les deux femmes instruites et intelligentes auxquelles on doit cette description ont vécu longtemps à Florence ; elles en connaissent toute l’histoire, tous les coins et recoins. En se résignant à la forme d’un guide, elles ont volontairement diminué l’agrément de leur livre, mais elles en ont rendu l’usage plus commode et plus sûr.