Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 27.djvu/124

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus que n’en peuvent fournir les ressources restreintes d’une seule ville ou même d’un petit état. Si la Pinacothèque et la Glyptothèque de Munich n’avaient pas été formées dans la première moitié du siècle, jamais un autre roi Louis, animé de la même passion et aussi libéral, n’arriverait à y réunir maintenant tous les beaux et curieux ouvrages de l’antiquité et de l’art moderne qui font l’honneur de sa capitale[1] ; sans arriver aux mêmes résultats, il aurait bientôt épuisé le trésor de la Bavière. Comme musées vraiment importans qui aient été fondés dans ces dernières années, on ne peut guère citer que celui de South-Kensington, à Londres, et le musée métropolitain de New-York. Ni dans l’un ni dans l’autre les grandes époques de l’art ne sont représentées par des séries complètes, qu’il serait peut-être impossible de former aujourd’hui, presque toutes les œuvres de premier ordre ayant été absorbées successivement par les musées d’état, qui les gardent et qui ne les rendront jamais. Cependant South-Kensington et New-York ont réussi, en très peu de temps, à constituer des groupes intéressans. Londres possède quelques ouvrages hors ligne de la renaissance italienne, des sculptures admirables que Florence lui envie ; l’Amérique possède la plus belle collection qui existe d’objets cypriotes, celle du général de Cesnola, avec les beaux bijoux et les pierres gravées de style archaïque que contenait le célèbre trésor de Curium ; beaucoup des plus remarquables ouvrages de nos peintres modernes ont pris le même chemin et passé les mers. Quoi qu’on fasse, il y aura toujours dans ces musées des lacunes, des trous, comme on dit, qu’aucun effort ne saurait combler. D’ailleurs, pour y rassembler ce que l’on y trouve dès maintenant, il a fallu la prodigieuse richesse de sociétés industrielles et commerçantes telles que l’Angleterre et l’Amérique du Nord. On a dépensé et on dépense chaque année des sommes considérables pour l’entretien et l’accroissement de South-Kensington[2] ; en deux fois, New-York a payé, rien que pour la collection Cesnola, plus d’un demi-million. L’Italie, si on la compare à l’Angleterre et aux États-Unis, est un pays pauvre ; sauf sur quelques points, comme Milan et Ancône, l’industrie y est encore dans l’enfance. Les fortunes, qui sont surtout territoriales, s’y conservent par la sobriété et l’économie ; elles ne s’y créent, elles ne s’y développent point, par les grandes affaires, avec cette

  1. Voir la Revue du 1er et du 15 décembre 1877.
  2. Il y a eu, dans les premiers temps qui ont suivi la fondation du musée, des années où le Science and Art department a dépensé pour South-Kensington de quatre à cinq millions de francs. Dans le budget de 1878, les seules dépenses d’entretien de South-Kensington sont évaluées à 38,922 livres (973,050 fr.) ; dans ce total ne figurent pas les 8,000 livres (200,000 francs) pour achat d’œuvres d’art que je vois portées au même budget, ni les dépenses des moulages, du catalogue, des photographies, etc.