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On peut d’ailleurs habiter Florence en toute saison ; on n’y vit pas, comme à Rome pendant un grand tiers de l’année, sous la menace de la fièvre. Les chaleurs y sont incommodes pendant quelques semaines d’été ; elles n’y sont pas malsaines et meurtrières. Le voyageur peut s’y risquer en tout temps ; il éprouvera quelque fatigue pendant les mois de juillet et d’août, mais il n’aura pas à craindre les miasmes paludéens. Quant aux habitans, s’ils veulent trouver quelque allégement aux chaleurs de la canicule, ils ne sont pas forcés, comme les Romains, d’aller chercher à cinq ou six lieues de là les ombrages et les brises de la montagne. Ici, tous les coteaux qui dominent la ville sont couverts de charmantes et salubres maisons de campagne. En un quart d’heure, en une demi-heure, vous descendez à votre bureau, à votre atelier, aux musées et aux archives que vous étudiez.

Pour ce qui est de la richesse et de la variété des objets qu’elle offre à la curiosité, Florence n’est surpassée que par Rome. Les musées renferment, outre plusieurs des chefs-d’œuvre de l’art grec, de nombreux monumens soit de la civilisation étrusque et de sa brillante industrie, soit de la puissance et de l’opulence romaines ; mais ce qui y brille d’un incomparable éclat, c’est le génie même de la renaissance italienne, c’est-à-dire l’art moderne dans ce qu’il a de plus libre et de plus original, dans son âge héroïque et sa jeune fécondité. À ce point de vue, Florence est tout entière un musée, par ses constructions publiques et privées, par les peintures et les sculptures qui les décorent, par ses galeries où ont été pieusement recueillies tant de précieuses épaves. Il n’est pour ainsi dire pas une pierre de la vieille ville qui n’ait quelque chose, à nous apprendre sur ce passé si glorieux, sur ces siècles si remplis de grands noms et d’œuvres immortelles.

Toutes ces bonnes raisons d’aimer Florence, ce n’est pas d’aujourd’hui qu’elles existent. Il y a longtemps que l’on discute pour savoir laquelle des deux villes, Rome ou Florence, mérite d’être préférée. Ce sera toujours affaire d’humeur et de goût ; mais ce qui est certain, c’est que, depuis quelques années, Florence a fait plus de sacrifices qu’aucune autre cité italienne pour soutenir son ancienne renommée. Après que le gouvernement et les chambres s’y furent transportés, en 1864, à la suite de la convention de septembre, Florence n’a rien épargné pour se montrer digne de l’honneur qui lui était conféré. Ce qu’on peut lui reprocher, au point de vue de ses intérêts, c’est d’avoir été trop sensible à cet honneur, de l’avoir pris trop au sérieux. Comme on dit familièrement, elle a trop bien fait les choses. Elle seule d’ailleurs en a souffert. Si elle se débat aujourd’hui contre des difficultés financières qui font le tourment de ses administrateurs, le voyageur y trouve