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Toutes riches et commodément disposées que soient les galeries, elles ne prennent pas toutes les heures du curieux ; l’aspect général de la ville qu’il parcourt en tous sens est aussi pour beaucoup dans l’impression qu’il en garde. Or, de l’aveu des Romains eux-mêmes, il n’est rien de plus déplaisant à l’œil que les nouveaux quartiers de Rome, ceux qui avoisinent la gare. Nulle part ne sont plus sensibles les défauts qui gâtent, dans nos villes, tant de constructions modernes, je ne sais quoi de monotone et de pauvre qui tient à la parcimonie avec laquelle l’espace a été dispensé à chaque partie prenante, les étages trop bas, les fenêtres trop rapprochées, les saillies trop réduites, la mesquinerie jusque dans l’énormité. Ces cubes de maçonnerie aux faces plates percées de jours sans nombre, ce sont des ruches, des casernes, des filatures, tout ce que vous voudrez ; mais jamais ce ne seront là des maisons dignes de Rome, de son passé et de son avenir, de ces destinées nouvelles que doivent rappeler le percement même de ces rues et la création de ces quartiers ! On ne rencontre pas des bâtimens plus laids, plus froids de lignes, plus chétifs avec de grandes dimensions, ni dans les faubourgs de Londres, ni dans ceux de Lyon. Avec un peu plus de décoration superficielle, cela fait songer à ces larges masures lyonnaises, hautes de six ou huit étages, toutes pareilles les unes aux autres, qui, du faite au rez-de-chaussée, retentissent du bruit des métiers à la Jacquart. L’effet est d’autant plus fâcheux, à Rome, que le reste de la ville vous offre, presque à chaque pas, les riches et solides façades, les fermes profils des palais romains qu’ont construits les trois derniers siècles. Sans doute un goût sévère y trouve parfois bien des détails à critiquer ; mais, alors même, l’ensemble reste imposant par l’ampleur des proportions et par un certain air de noblesse. Il n’y a point à Florence ce même désaccord, ce même contraste désagréable entre le passé et le présent, entre la ville d’autrefois et celle d’hier ou d’aujourd’hui. Florence, elle aussi, a ses quartiers neufs, construits sur l’emplacement même et en dehors de l’ancienne enceinte fortifiée. Sans doute les habitations qui en bordent les boulevards et les rues n’attireront et ne retiendront pas l’étranger à Florence ; mais elles ne risqueront pas de diminuer le plaisir qu’il y trouve. L’architecte, ayant à sa disposition les mêmes matériaux que les anciens constructeurs florentins, en a suivi, non sans habileté, les traditions ; il les a seulement accommodées aux exigences de la vie moderne. Il n’a pas copié la masse colossale d’édifices comme les palais Riccardi ou Strozzi ; mais par la saillie des corniches, par la taille des pierres et l’emploi du bossage rustique il a su garder à la ville neuve quelque chose de la physionomie de la vieille ville. On n’y est pas trop dépaysé ; on se sent encore à Florence.