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autour desquelles se groupent l’abricotier, l’amandier, le pêcher, tout brillans de fleurs ou pliant sous les fruits mûrs, suivant la saison. A l’endroit le mieux exposé, c’est la maison, c’est le jardin du maître, qu’aucune clôture ne sépare des champs et des vergers. Tout autour de l’habitation, des buissons de rosiers, les tiges élancées, le branchage élégant des lauriers, les troncs rouges des pins et leurs rameaux capricieusement tordus. Dans l’air vif et pur se dressent de hauts cyprès, souvent plusieurs fois séculaires, comme ceux de la belle allée qui conduit au Poggio imperiale, cette ancienne résidence des Médicis. Avec un autre port, une autre physionomie, les chênes verts ne sont pas moins vigoureux, moins puissans. Tantôt, comme à la concezione, dans la villa Sabatier, un seul arbre étale sa tête large et touffue au-dessus d’une terrasse qu’il suffit à couvrir tout entière de son ombre ; tantôt, comme dans ces jardins Boboli que ne flétrit point l’hiver, ils s’arrondissent en berceaux qui défient les plus perçans rayons du soleil, mais qui laissent apercevoir, entre leurs feuilles lisses et serrées, le bleu profond du ciel et sa douceur infinie.

Malgré l’élégance de cet ensemble et l’agrément exquis de ces détails, la nature florentine reste sévère jusque dans sa grâce. Pour ses enfans, pour ses hôtes, elle n’a pas ces charmes trop puissans qui, par l’excès et la continuité du plaisir, détournent l’homme du travail de penser et de l’effort de vouloir. Ici, le climat a ses duretés : l’hiver a des froids rigoureux qui durent parfois assez longtemps pour geler l’Arno ; en revanche, dans ce val clos de toutes parts, au fond de cette sorte de cuve dont Florence occupe le centre, l’été a des chaleurs que Naples et même Palerme ne connaissent pas ; aucune brise de mer n’y vient, comme sur le littoral, rafraîchir à grands coups d’éventail les heures brûlantes du plein midi. Or ces températures extrêmes, ces contrastes contribuent d’ordinaire à tenir l’homme éveillé ; ils stimulent son activité en le préservant d’un bonheur trop complet. Il en est de même du paysage. Assez beau pour craindre peu de comparaisons, il n’a pourtant pas cette beauté sans défaut qui risque d’énerver, chez ceux qui en ont l’enchantement durant toute leur vie, la puissance de la pensée et la force créatrice. De la verdure, de la couleur et de la vie, il n’y en a, autour de Florence, que dans la plaine et sur les pentes basses des Apennins. Toutes les parties hautes, sans avoir les fiers escarpemens et les dentelures hardies des cimes alpestres, sont âpres, pelées, nues. Là où finissent les plantations d’oliviers, toute végétation cesse. Ni pâturages, ni forêts, rien que la roche grise, de place en place tachée par quelques maigres et courts bouquets de pins. La mer n’est d’ailleurs pas là pour mêler