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un représentant au congrès, et que cette opinion serait portée sans retard à la connaissance des autres puissances. » Cette réponse est du 9 mars, et les déclarations faites par les ministres anglais au sein du parlement démontrent que lord Derby n’a pas perdu un seul jour pour communiquer aux puissances et pour appuyer auprès d’elles la demande du cabinet d’Athènes. Il résulte également de ces déclarations que la Russie a fait une réponse évasive, en demandant à quel titre et dans quelles conditions l’Angleterre comprenait que la Grèce siégeât au congrès, et si son admission n’entraînait pas celle du Monténégro, de la Serbie et de la Roumanie, qui élevaient la même prétention. À cette objection implicite, on pouvait répondre qu’il n’y a point d’assimilation à établir entre la Grèce, depuis longtemps admise au rang d’état indépendant, et les principautés vassales de l’empire turc, qui en sont encore à poursuivre la reconnaissance de leur indépendance. Une raison irréfutable s’opposait à ce que la Grèce siégeât au congrès : c’est que cet état n’a pas été partie au traité de 1856, et que les signataires de ce traité ont seuls qualité pour procéder à sa révision ; mais on pouvait en agir avec la Grèce comme la conférence de Londres avec la Belgique en 1831 : autoriser le gouvernement grec à accréditer auprès du congrès un représentant qui non-seulement serait consulté par les plénipotentiaires, mais qui serait appelé au sein du congrès lorsque cette assemblée examinerait les questions dans lesquelles la Grèce serait intéressée.

Arrivons maintenant aux griefs d’une puissance dont le mécontentement est plus à redouter que celui de la Grèce ou de la Roumanie. L’Autriche ne peut voir d’un bon œil les agrandissemens qui étendraient le Monténégro jusqu’aux confins de l’Herzégovine, et la cession d’Antivari doit surtout lui causer un vif déplaisir. La cour de Vienne a toujours combattu la prétention émise par le Monténégro d’obtenir un port sur l’Adriatique. Elle soutient que les produits en fort petit nombre et de mince valeur que le Monténégro peut avoir à exporter trouvent un écoulement facile par les ports autrichiens ou turcs, où ils ne sont frappés d’aucun droit. La principale industrie des Monténégrins, lorsqu’ils ne pillent pas leurs voisins de la plaine, est de faire le long des frontières illyriennes de l’Autriche une contrebande que la configuration du pays rend presque impossible à réprimer. S’ils demandent un port, ce n’est pas pour faire le commerce, c’est pour voir se former, à proximité de leurs montagnes, un entrepôt où les marchandises destinées à alimenter la contrebande soient apportées librement et à loisir, au lieu d’être débarquées furtivement sur une côte inhospitalière. Antivari aux mains des Monténégrins est la ruine des douanes autrichiennes, comme Gibraltar est la ruine des douanes espagnoles. Ce n’est là