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d’apaisement ou de transaction ont déjà fait bien des progrès et en feront de plus notables encore sous le nouveau pontificat.

Ce n’est point qu’entre l’état et l’église, entre la royauté issue de la révolution et la papauté qu’elle a dépouillée, nous pensions que l’on doive attendre ni traité de paix ni réconciliation formelle. Loin de là, sur ce point toutes les espérances nourries par de nobles esprits et récemment exprimées dans un livre digne d’attention[1] ne nous semblent pas seulement prématurées, elles nous paraissent chimériques. Les changement de personnes sur le trône d’Italie et sur la chaire de saint Pierre peuvent amener une détente dans la lutte, non une réconciliation. Les successeurs de Pie IX et de Victor-Emmanuel ne sauraient, malgré toute leur bonne volonté, oublier les querelles de leurs prédécesseurs, ils ne sauraient même trouver les termes d’un compromis acceptable pour les deux parties. Ce n’est point là une querelle de personnes, c’est une guerre de principes. Pie IX et Victor-Emmanuel, le pape et le roi n’ont fait que représenter deux esprits, deux droits différens, opposés, inconciliables. Ainsi s’explique comment la monarchie italienne, qui semblait avoir tant d’intérêt à ménager les sentimens religieux de son peuple, n’ait pu vis-à-vis de la cour romaine offrir ni accepter aucune transaction. Entre l’église et l’état, entre la royauté italienne et la papauté romaine, il n’y a de possible désormais qu’un modus vivendi fondé d’un côté sur le respect de la liberté religieuse, fondé de l’autre sur l’acceptation tacite des faits tolérés de la Providence.

De tous les sacrifices faits par le fils de Charles-Albert à la cause italienne, il n’y en eut pas de plus grand que d’entrer en roi dans la Rome des papes et de détrôner le pontife qui avant 1848 avait donné à l’Italie le signal des revendications nationales. Dès le lendemain de son avènement, le dernier roi de Piémont avait été obligé d’engager contre les privilèges du clergé un combat que le premier roi d’Italie a été contraint de pousser jusque dans les murs de Rome. Le soldat de Goito et de Palestro ne dissimulait pas son peu de goût pour cette guerre sans gloire contre des moines désarmés et un vieillard sans autres forces que ses prières et ses anathèmes. Ce prince, pendant vingt-cinq ans en lutte ouverte avec le Vatican, n’avait rien d’un esprit fort ; il eût pu à cet égard personnifier l’esprit d’un grand nombre de ses sujets qui ne combattaient qu’à regret et comme malgré eux dans le domaine temporel un pouvoir

  1. Il moderno dissidio tra la Chiesa e l’Italia, par le P. Curci. On sait que, dans ce livre fort bien accueilli d’une partie du clergé italien, l’ancien jésuite invite l’église à s’accommoder aux faits accomplis et à faire alliance avec la maison de Savoie pour faire de l’Italie une monarchie catholique.