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les révolutions, par les armées étrangères et les sociétés secrètes, par le despotisme et la répression même. La révolution française et Napoléon Ier avaient à leur insu creusé les fondations de l’édifice que devait un jour élever la maison de Savoie, — la révolution en réveillant partout la conscience nationale, en renversant tous les trônes de la péninsule, en mêlant et triturant les provinces et les peuples, — Napoléon en ressuscitant le nom de royaume d’Italie, en formant une armée italienne, en réunissant sous le sceptre de sa famille tous les Italiens, des lagunes de Venise au détroit de Messine. Les traités de 1815, qui semblaient détruire à jamais les espérances des patriotes, ravivèrent le sentiment national dans la communauté du malheur. L’Italie entière ressentait l’oppression de ses membres, et elle s’apercevait de plus en plus que le meilleur moyen de devenir indépendante et de le rester, c’était d’être une.

Un seul point pouvait sembler douteux : l’Italie se constituerait-elle sous forme d’état fédératif, ou sous forme d’état centraliste ? Cette question de forme devait être tranchée par les gouvernemens et les princes italiens. Si toutes ses dynasties eussent été nationales et tous ses princes patriotes, l’Italie eût pu recourir à la fédération. C’est à ce but, en apparence le plus accessible, que devaient tendre les premières révolutions. En 1848, aux beaux jours de Charles-Albert et de Pie IX, quand les gouvernemens de Piémont, de Toscane et de Rome, négociaient une alliance et un Zollverein italien, quand le roi de Naples même faisait mine d’envoyer ses troupes combattre l’Autriche, l’Italie put se croire sur la voie d’une fédération. Les déceptions et les défections de 1848 tournèrent au profit de l’unité. Ce qui semblait suffire au temps de Charles-Albert, avant la réaction de 1849, devait aux jours de Victor-Emmanuel paraître un piège ou un leurre. En redevenant les protégées et les clientes de l’Autriche, toutes les petites cours s’étaient faites les complices de Mazzini, les agens de l’idée unitaire. En abandonnant au roi de Piémont la cause de l’indépendance, les autres souverains lui abandonnaient leurs droits et leurs états. A la maison de Savoie est ainsi échue une tâche délaissée de tous ; à Victor-Emmanuel est revenue la couronne de fer, parce que seul des princes italiens il a su être de son temps et de son pays. Le jour est venu où tous les trônes étayés sur la puissance autrichienne sont tombés avec la domination qui leur servait d’appui, et, dans cet effondrement général, toutes les espérances et tous les intérêts se sont naturellement ralliés autour du seul gouvernement demeuré debout. Rien donc de fortuit, rien donc de surprenant même, dans la prodigieuse fortune de Victor-Emmanuel. La couronne d’Italie était promise à sa maison par les fautes des autres princes. On entend parfois dire au nord des Alpes que c’est la France et