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UN
ROI ET UN PAPE

I.
LE ROI VICTOR-EMMANUEL ET LA MONARCHIE ITALIENNE.

En me rendant en Italie au mois de décembre dernier, je pensais devoir assister aux funérailles d’un pape et à la réunion d’un conclave. Un almanach romain annonçait pour janvier 1878 un grand catafalque dans Rome : l’horoscope s’est vérifié, mais pour un autre sans doute que celui qu’il désignait. Avant de descendre sur le Vatican, au-dessus duquel elle planait depuis des mois, la mort s’est soudainement abattue sur le Quirinal. Le robuste souverain qui se préoccupait déjà d’assurer la liberté du conclave a disparu de la scène avant le vieux pape dont les jours étaient manifestement comptés. Du lit qu’il ne devait plus quitter, Pie IX a entendu le canon du château Saint-Ange annoncer à ses anciens sujets les funérailles de son successeur temporel. L’histoire a parfois de ces coïncidences aussi dramatiques que les coups de théâtre des plus hardis des poètes. Il y avait quelque chose d’émouvant et de pathétique dans ce rapprochement de deux cercueils si divers et l’un et l’autre entourés d’hommages passionnés, dans ces cérémonies rivales du Panthéon d’Agrippa et de Saint-Pierre du Vatican, dans cette clôture simultanée de deux règnes contemporains et comme parallèles à travers tous leurs contrastes.

Ces deux existences peuvent, par leurs vicissitudes et la diversité même de leur fortune, résumer les grandes luttes politiques ou religieuses de notre époque et les conflits intérieurs de notre