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V.

A mesure que s’étendait en France la renommée de l’académie de la seconde ville du royaume, les hommes de lettres et les savans, même les illustres, ambitionnaient l’honneur de lui être associés. Nul n’obtenait ce titre d’associé sans en avoir fait la demande ; c’était la règle de l’académie, dont Voltaire lui-même n’avait pas été excepté. Il y eut cependant une exception en faveur de Buffon ; mais l’académie de Lyon ne faisait en cela que suivre l’exemple de l’Académie française, comme Buffon lui-même le rappelle, non sans quelque fierté, dans la lettre à Mathon de La Cour, où il remercie la compagnie : « Il est très vrai, dit-il, que je n’ai jamais demandé aucune place académique et que j’ai été nommé à l’Académie française sans avoir fait de visites et même sans y penser, car j’étais absent. Ce ne fut que quatre mois après ma nomination que je retournai à Paris pour la réception. J’entre dans ce détail pour que votre illustre compagnie ait moins de regret d’avoir changé son usage en ma faveur. »

Nul associé ne venait à Lyon sans se faire recevoir en séance publique et remercier de vive voix l’académie qui l’avait adopté. Citons quelques-uns de ces nobles hôtes dont les noms se mêlent à l’histoire et aux grandes solennités littéraires des académies de province au XVIIIe siècle.

Le fils du grand Racine ayant été nommé directeur des gabelles à Lyon, où il se maria et résida quelques années, l’académie s’empressa de se l’associer. On lira avec intérêt quelques passages de son discours de remercîment : « Qu’avez-vous à attendre de moi et que vous puis-je apporter, si ce n’est un nom illustre à la vérité, mais dont la gloire fait ma honte lorsque je considère combien je suis éloigné de le soutenir ? .. Fatigué justement de ces occupations stériles à l’esprit auxquelles je suis contraint de me livrer tous les jours, je pourrai du moins, une fois la semaine, venir me reposer parmi vous, c’est-à-dire dans le sein des muses, et leur rendre cette légère partie d’un temps qui leur fut consacré dès ma naissance, et qui leur serait entièrement dévoué, si j’avais eu la liberté d’en disposer. La fortune n’a point voulu m’accorder cette heureuse liberté… » Il finit en remerciant l’académie de le rapprocher de ces muses « qu’il avait presque perdues de vue, quoique son cœur n’en fût jamais séparé. » Comme complément de ce discours, qu’on nous permette d’ajouter quelques lignes tirées d’une lettre qu’il écrivait à J.-B. Rousseau en 1731 : « Vous avez raison de me regarder comme un déserteur des muses et d’être surpris d’apprendre que j’ai fait un poème sur la religion, moi qui suis dans la carrière de la finance. Comme ce n’est point la passion de la fortune qui m’y a